Jossart Nyoka Longo, l’un des plus talentueux musiciens congolais, toutes générations confondues, de son vrai nom Joseph-Roger Nyoka Mvula, sort une chanson en 1976 en hommage à sa grande-soeur Albertine Longo décédée en 1973, à l’âge de 22 ans. Très affecté par cette disparition (ils étaient seulement deux enfants dans la famille), Jossart, pour atténuer sa douleur, va s’approprier le nom de sa sœur en devenant Nyoka Longo.

La chanson dédiée à sa sœur s’intitule  » Nalali pongi  » ; qu’on peut traduire par  » Je dors  » ou  » je fais un cauchemar « . Parce que l’auteur a vécu ce drame familial comme un vrai cauchemar. Il avait le sentiment que le sort s’acharnait contre lui puisque, à l’âge de 11 ans (en 1964) déjà, il avait perdu son père, Daniel Mvula.

« Nalali pongi », meilleure chanson de l’année

Il faudra à Nyoka Longo trois années pour accepter cette disparition et faire le deuil de sa sœur en composant cette chanson. En y mettant tout son talent d’artiste-musicien dans cette oeuvre,  » Naleli pongi  » connaîtra un succès phénoménal à sa sortie. A tel point que cette chanson sera élue  » meilleure chanson du Zaïre  » de l’année 1976 et Zaiko Langa-langa,  » meilleur orchestre « .

« Nalali pongi », véhicule des croyances ancestrales

Au-delà de son succès commercial et populaire, cette chanson est très intéressante sur le plan anthropologique. Parce qu’elle véhicule certaines croyances ancestrales des peuples bantoues; croyances qui ont survécu, au sein de la société congolaise, aux 150 ans de christianisation de notre pays par les occidentaux. Ce qui démontre la force et l’ancrage de ces croyances qui, jusqu’à ce jour, se pérennisent dans notre subconscient collectif.

« Le Dieu des bantous est bon mais inaccessible »

Pour bien comprendre cette chanson de Nyoka Longo, il faut savoir que dans la cosmogonie bantoue, c’est à dire notre façon ancestrale de concevoir et de comprendre le monde, dans notre système des croyances, Dieu existe; il est le créateur tout-puissant et il est bon. Mais il est inaccessible aux humains. La seule possibilité de communiquer avec lui est de passer par l’intermédiaire d’autres esprits qui lui sont inférieurs mais qui ont accès à lui parce que étant esprits eux-mêmes.

Les esprits intermédiaires

La première catégorie de ces esprits sont les esprits de la nature. Le plus connu de ces esprits s’apelle  » Monama  » ou l’esprit des eaux (source, rivière, fleuve. . . ). L’artiste-musicien Evoloko Atshuamo lui adresse une prière dans sa belle chanson  » Moyeke « . Et la chanteuse M’Pongo Love l’invoque dans sa chanson  » Monama « .

Les mânes des ancêtres ou les morts ne sont pas morts

La deuxième catégorie des esprits intermédiaires sont les esprits ou les mânes des ancêtres et des morts. Parce que l’une des croyances fortes des bantous est que  » les morts ne sont pas morts « . Ce qui est en opposition avec la croyance chrétienne qui veut que les morts sont morts (Eccl. 9:10).

Chez les bantous, les défunts sont juste passer dans un autre monde qui est invisible à nos yeux mais parallèle au notre. Ils sont là avec nous, ils nous voient, ils nous entendent. On peut donc leur adresser des requêtes et des prières. Ils ont la possibilité d’aider les vivants, membres de leurs familles ou de leurs clans. Ils peuvent communiquer avec ces derniers au travers des songes, par exemple.

Nyoka Longo parle à sa sœur Albertine Longo

C’est ainsi que dans sa chanson  » Nalali pongi « , Jossart Nyoka Longo s’adresse directement à sa sœur en se plaignant, dans la première strophe, du fait qu’elle l’a abandonné dans ce bas-monde et qu’elle est passée dans l’autre monde. Ensuite, il demande à sa sœur de se manifester, pour le consoler, en le saluant tous les jours au crépuscule.

Dans la deuxième strophe de la chanson, Nyoka Longo implore sa sœur de demander à un autre membre de leur famille, qui est aussi passé dans le monde invisible, de donner de ses nouvelles.

Dans la troisième et dernière strophe, Jossart explique à sa sœur que tous les matins, il se réveille avec des soucis de la famille et tous les soirs, il s’endort accablé par les soucis de la vie.

Nalali pongi, une chanson d’anthologie

Certains experts de la musique congolaise moderne considèrent que cette chanson de Nyoka Longo, par ses paroles et son orchestration, est l’une des meilleures chansons de notre répertoire national et mérite bien sa place dans l’anthologie de la rumba congolaise. Nous sommes du même avis.

En vous recommandant d’écouter ou de réécouter cette belle chanson, nous publions ci-dessous les paroles en lingala et leur traduction en français.

« Nalali pongi »

 » Ata ko okimi nga na mokili oyo ya se
Pepaka nga loboko na horizon pokwa nionso
Tangu moyi mokitaka
Oh nga nalali pongi mama ee »

 » Même si tu m’as abandonné dans ce bas monde
Salue moi, au moins, en agitant ta main chaque fois, au crépuscule
Oh je suis entrain de dormir  »

 » Oyebisa pe na chérie Longo ya yo ndoyi,
Atindelaka nga sango na mopepe ya mbula
Liboso ya ndako
Oh nga nalali pongi mama

« Demande à notre regrettée Longo, ton homonyme,
De me donner de ses nouvelles par le vent de pluie
Devant la maison
Oh je suis entrain de dormir.

 » Tongo etana nalamuka na soucis ya famille
Butu ekoma nalala na soucis ya la vie
Oh nga nayaka façon na mokili Nzambe
Oh nalali pongi  »

 » Dès le lever du soleil, je me réveille accablé par les soucis de ma famille
Dès la nuit tombée, je m’endors accablé par les soucis de la vie
Quelle drôle de vie que la mienne mon Dieu !
Oh je suis entrain de dormir.

Thomas Luhaka Losendjola

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