La guerre d’Indépendance américaine
L’histoire de Koffi Olomide, icône de la musique congolaise, remonte à la guerre d’Indépendance américaine. En effet, le 19 avril 1775, 13 colonies anglaises d’Amérique déclenchent la guerre contre leur métropole, l’Angleterre et réclament leur indépendance. Cette guerre durera de 1775 jusqu’à 1781. Durant ce conflit, de dizaines des milliers d’esclaves noirs, dont les maitres-colons sont devenus des rebelles vis-à-vis de l’Angleterre, profitant de cette opportunité de s’affranchir de leurs maîtres, vont déclarer leur loyauté à la métropole.
Les esclaves s’allient à l’Angleterre
A la suite de cette prise de position politique des esclaves, l’armée anglaise va se mettre à libérer de l’esclavage ces loyalistes noirs. En particulier en caroline du Sud, en Géorgie et dans le Maryland. A la fin de la guerre, l’Angleterre, qui a perdu cette guerre face aux rebelles (ces derniers vont créer les Etats-Unis d’Amérique), va mettre ces anciens esclaves noirs à l’abri au Canada, une autre de leurs colonies.
Le retour des anciens esclaves en Afrique
En 1787, les anglais créent en Afrique la ville de Freetown (ville libre) dans l’actuelle Sierra-Leone. Ils y installent ces anciens esclaves d’Amérique devenus des hommes libres. Les descendants de ces affranchis sont appelés aujourd’hui en Sierra–Leone et au Liberia, les créoles. Principale caractéristique : ils portent des noms anglo–saxons, qu’ils ont reçu de leurs anciens maitres en Amérique.
Le jeune Christopher Moore arrive à Léopoldville
En 1897, l’un des descendant de ces affranchis va donner naissance, à Freetown, à un garçon qu’il va appeler Christopher Addingtine Moore. En 1915, à l’âge de 18 ans, le jeune Christopher A. Moore décide de partir chercher du travail au Congo-Belge. A cette époque, le Congo, créé comme une colonie internationale, attire beaucoup d’étrangers ; en particulier les ouest-africains qui sont enrôlés dans la Force Publique (on les appelle les volontaires de la côte ou les volo), ou employés dans l’administration et dans des entreprises privées. Ils ont un avantage par rapport aux indigènes congolais : ils sont instruits.
C’est le cas de Christopher Moore qui est embauché par le groupe Unilever qui évolue dans l’exploitation de plantations de palmiers à huile. Cette société deviendra les Huileries du Congo-Belge (HCB) et par la suite Plantations Lever au zaïre (PLZ). Dans les années 1920, Christopher Moore est muté à Stanleyville (Kisangani) comme comptable de HCB.
Christopher Moore rencontre Louise Muyonge
De retour à Léopoldville, le jeune Christopher Moore fait la connaissance, en 1928, d’une jeune fille tetela nommée Louise Muyonge Fataki. Il fera d’elle la femme de sa vie. Qui est-elle ? En réalité, Louise Muyonge est tetela du côté de sa mère qui s’appelait Dembo et Songye du côté de son père Kilolo Fataki. Mais comme elle a grandi dans l’environnement culturel tetela de sa mère, elle se sentait et se pensait totalement tetela. Même si, chose rare à l’époque, cette jeune congolaise était polyglotte. En effet, elle parlait couramment l’anglais, le tetela, le kisongye, le tshiluba, le swahili et le lingala.
Les enfants du couple Moore-Muyonge
Christopher Moore et sa dulcinée Louise Muyonge vont se marier et auront dix enfants dans un intervalle de 20 ans (1930-1950):
1. Edith Bolaji Moore (1930).
2. Johnny Moore (1932),
3. Arabella-Suzanne Moore (1934),
4. Amy-Angélique Muyonge Moore (1936),
5. Christine Seya Moore (1938),
6. Ernest Bankole Moore (1940),
7. Franklin Kalawole Moore (1942),
8. Alice Ngoyi Moore (1944),
9. Ressé Olomide (retenez bien ce nom) Moore (1948).
10. Monique Mildred Moore (1950).
Les enfants survivants
Vous l’avez certainement remarqué, pratiquement tous les enfants du couple portent des prénoms anglais et des postnoms d’origine yoruba, tribu dont se réclamait Christopher Moore, sauf 3 filles qui portent des postnoms congolais.
De ces dix enfants du couple Christopher Moore et Louise Muyonge, sont encore en vie aujourd’hui, Johnny (2e de la fratrie) qui a 90 ans cette année ; Arabella (3e, 88 ans), Ressé Olomide (9e, 74 ans) et Alice, la cadette (10e, 72 ans).
Dans la communauté ouest-africaine de Léopoldville.
Au début de leur mariage, Christopher et son épouse Louise Habitent dans le camp Africa, Construit par la société HCB pour ses cadres ouest-africains. Ce Camp était situé entre les avenues Itaga et Kananga, quartier Bruxelles, à proximité de l’école Saint-Norbert, dans la commune de Barumbu. Ceci est une des explications de la présence, jusqu’à ce jour, d’une forte communauté ouest-Africaine dans les communes de Barumbu et de Kinshasa.
L’apport des ouest-africains dans la culture congolaise
Les congolais sont reconnaissants à l’égard de cette communauté par ce qu’elle a enrichi notre patrimoine culturel d’au moins deux éléments : la musique et l’habillement. En effet, à Léopoldville, dans les années 1920 – 1940, les congolais découvrent un genre de musique moderne joué par les groupes d’ ouest-africains qu’on appelait les « coastmen ». Leur musique s’appelle le « Hight-life ». les congolais vont s’en inspirer. Ce sont les femmes ouest-africaines qui apprennent à nos grand-mères, nos mères le port des pagnes et des foulards de tête.
Christopher Moore, avec l’agrandissement de sa famille, va acheter, en 1936, la parcelle située au numéro 139 de l’avenue Kigoma, dans la commune de Kinshasa.
Petite lutte d’influence entre la culture anglaise et la culture tetela
Christopher et Louise ont quelques petites divergences d’approche dans l’éducation à donner aux enfants. Par exemple, le mari souhaite que tous ses enfants parlent couramment l’anglais comme lui ; mais l’épouse va apprendre le kitetela à tous ses enfants, sans exception.
De 1944 à 1947, Christopher Moore est muté à Lusambo comme gérant de CADEC, une succursale de la société HCB. Arrivé dans le Sankuru avec toute sa famille, il s’installe (sous l’influence de sa femme ?) à Katako-Kombe. Ce qui permettra à son épouse Louise de consolider la culture tetela chez leurs enfants.
Amy Muyonge Moore rencontre Charles Agbepa
4. En 1953, six ans après le retour de la famille Moore à Léopoldville, Amy-Angélique Muyonge Moore, la troisième fille de la famille Moore, et la seule de la fratrie qui porte le nom de sa mère Muyonge, va faire la connaissance d’un beau jeune homme de 25 ans qui l’épouse. Ce garçon s’appelle Charles Agbepa. Qui est-il ? Charles Agbepa est une célébrité Kinoise, adulée par les jeunes de Léopoldville et de Brazzaville. C’est un grand joueur de football qui évolue dans l’une des grandes équipes de la capitale congolaise : V-Club. Mais, il est plus connu dans les milieux des fans du football par son surnom de Ben-Barek. Surnom qu’il a emprunté à l’un des plus grands joueurs de l’équipe de France de l’époque, Larbi Ben Barek.
Charles Agbepa est né à Léopoldville en 1928. Fils d’Assiabo Mapimbi et de Catherine Konzo, tous deux originaires du village Akula situé au bord de la rivière Mongala à 117 km de Gemena, territoire de Budjala ; dans l’actuelle province du Sud-Ubangi.
Le premier enfant du couple
5. Le couple Charles Agbepa et Amy Muyonge Moore sera béni puisqu’il va donner naissance à neuf enfants. L’ainé de cette famille est né en 1954. Il s’appelle Johnny, comme le grand-frére d’Amy, Johnny Moore. On lui ajoute comme postnoms Assiabo Mapimbi, le nom du père de Charles. En définitive, leur premier garçon s’appellera Johnny Assiabo Mapimbi Agbepa.
La famille Agbepa s’installe à Kisangani
Après la naissance de Johnny à Léopoldville, Charles Agbepa est muté à Stanleyville pour raison de service. Il y emmène son épouse Amy et leur petit garçon. Amy tombe enceinte pour la deuxièmefois.. Durant cette deuxième grossesse, Amy, qui n’a que 20 ans en 1956, bénéficiera de l’assistance d’une âme charitable en la personne d’une dame luba répondant au nom de maman Alphonsine. Cette voisine deviendra la mère de substitution de la jeune femme.
La naissance d’Antoine-Christophe Agbepa Mumba
6. Le 13 juillet 1956 à Kisangani, Amy accouche d’un garçon. En reconnaissance de tout l’encadrement dont elle a bénéficié de la part de maman Alphonsine, sa mère de substitution, Amy décide de donner le prénom du mari de sa bienfaitrice à son nouveau-né : Antoine. A ce prénom emprunté à Papa Antoine, Amy va ajouter le prénom de son propre père, le sierra-léonais, Christopher. Donc, le nom officiel du petit garçon est Antoine-Christophe Agbepa Mumba.
Demain appartient à Dieu
A cette époque, personne ne pouvait s’imaginer que, 5 semaines seulement après la création, à Léopoldville, de l’OK Jazz ( Orchestre Kinois de Jazz, crée le 6 juin 1956 par les congolais de Brazzaville et de Kinshasa ), le petit qui venait de naître à Kisangani, porterait très haut le flambeau de la musique congolaise dans le monde entier sous le pseudonyme de Koffi Olomide.
D’où lui vient ce nom de Koffi Olomide ?
A l’âge de 8–10 ans, le petit Antoine va manifester des aptitudes, exceptionnelles pour son âge, dans la pratique du football. Charles, son père, cette ancienne star de V-Club, se réjouit de constater que son deuxième fils a hérité de ses gênes de footballeur. Il se mettra à rêver en silence, pour son fils, d’une carrière à l’international. C’est ainsi que le petit Antoine sera surnommé dans le quartier « Koffi » ; en référence au grand joueur ghanéen des années 1960 de la célèbre équipe de kotoko de Kumasi, Osei koffi. Antoine conservera ce surnom jusqu’à l’âge adulte.
Lorsqu’il décide enfin de se lancer sérieusement dans la carrière musicale, Antoine Agbepa va récupérer le postnom yoruba de son oncle maternel, le jeune frère de maman Amy : Ressé Olomide Moore. C’est ainsi qu’il deviendra, comme artiste, Koffi Olomide.
Olomide est un mot composé de la langue yoruba. De « Ulu » qui veut dire Dieu et « midé » qui signifie le fils de. C’est l’équivalent du nom chrétien « Dieudonné ». « Olomide » sera un nom prémonitoire pour cette artiste. Parce que, pour ses des fans, Koffi Olomide est réellement considéré comme un don de Dieu.
Le début d’un long parcours
8. Quel est le parcours scolaire et académique d’Antoine Agbepa ? Qui sont ses frères et soeurs ? ses amis d’enfance ? Comment ce garçon très doué, comme son père, pour le football, va-t-il mettre en veilleuse son talent footballistique pour poursuivre ses études à l’université de Kinshasa et en Europe ? A quel moment aura lieu le déclic qui va reveiller son génie musical ? Comment Antoine–Christophe Agbepa, jeune homme timide, va-t-il se transformer en « Quadra-koraman », le « Grand Mopao » ?
Nous tenterons de répondre à toutes ses questions dans la prochaine page.
A suivre !
Thomas Luhaka Losendjola