Le coup était bien calculé par le dirigeant congolais. En effet, en annonçant clairement son intention de travailler sur un projet de nouvelle constitution, Félix Tshisekedi n’a pas juste parlé dans l’air pour amuser la galerie.
Averti des méandres de la classe politique congolaise, le chef de l’État, a certainement su distiller son message au bon moment, un moment qui arrange bien ses calculs.
Préparer l’opinion
Félix Tshisekedi est conscient que l’opposition à son pouvoir est encore trop fragile. Elle peut bien hurler, s’agiter, dénoncer sans pourtant avoir la capacité d’aller trop loin. Peut-être est-ce même pour cela qu’il l’a ironiquement qualifiée « d’opposition des clochards et des faibles » (opposition ya nzala, ya pete, s’il faut le citer en lingala).
Sans nul doute, les médias sociaux enflent des critiques depuis cette sortie médiatique à Kisangani. Moïse Katumbi, Martin Fayulu, Claudel Lubaya, Ferdinand Kambere, ainsi que de nombreux opposants n’ont pas caché leur totale opposition à la démarche annoncée par Félix Tshisekedi. Sans se cacher, ils lui promettent une résistance farouche : « Qui vivra, verra », a même promis Moïse Katumbi.
Mais, jusqu’où iront-ils? Déjà, en décembre 2023, les leaders d’opposition n’ont pas réussi à tenir un même langage autour du candidat commun à la présidentielle. Et, quelques autres encore sont aujourd’hui en exil ou en prison. Quitte à penser que l’opposition congolaise est d’ores et déjà mal barrée.
C’est pourtant dans ce contexte d’une opposition fragile que le chef de l’État a clairement lancé la campagne pour une nouvelle constitution. Une décision qui peut s’interpréter comme une stratégie, un ballon d’essai pour voir comment se comporteront les acteurs politiques en face.
Félix Tshisekedi tente ainsi le terrain et le balise, afin que le moment venu, il rebondisse avec le projet de nouvelle constitution sans plus retrouver d’embûches. Comme par le passé, l’opposition dénoncera, certes, puis, plus rien.
Le moment est ainsi bien choisi par le dirigeant congolais : s’engager dans la mise en place d’une nouvelle Constitution plus tôt, avant que les mêmes opposants ne s’organisent pour lui faire ombrage. Il profite ainsi de la fragilité de ses adversaires pour en tirer des dividendes politiques.
Resserrer les rangs
L’annonce de Félix Tshisekedi est en même temps un coup bien calculé au sein même de sa famille politique. Le chef de l’État est également conscient de la versatilité des acteurs politiques qui naviguent au gré des vagues.
Il annonce trop tôt son intention d’une nouvelle Constitution, afin de mettre ses partenaires devant un choix embarrassant.
Félix Tshisekedi sait pertinemment que nombreux des caciques de l’Union sacrée le lâcheraient sans hésiter s’il lançait sa campagne vers la fin du mandat. Allusion faite aux dernières années du régime Kabila où les Katumbistes ont claqué la porte à la majorité présidentielle, car soupçonnant l’ex-président de vouloir s’offrir un 3e mandat.
Ainsi, le Président de la République lance son ballon d’essai, étant persuadé qu’au sein de la coalition au pouvoir, personne n’osera lever sa main au risque de perdre les avantages que lui confèrent le pouvoir en ces premières années du mandat.
Peut-être est-ce aussi la raison pour laquelle depuis la sortie médiatique du chef de l’État, aucun leader de l’Union sacrée, même ceux-là qui avaient déversé leurs militants dans la rue entre 2014 et 2015, ne s’est exprimé à ce sujet, certainement par peur d’être contraint à quitter la mouvance au pouvoir.
Tout compte fait, le ballon d’essai lancé par Félix Tshisekedi est un coup réussi aussi bien contre l’opposition politique que contre des caciques de sa famille politique.
Jean Ngaviro