Ce n’est plus un secret : l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), parti au pouvoir, souhaite changer la Constitution. Ce qui se disait tout bas est désormais porté sur la place publique et suscite déjà des débats dans les salons politiques.
La Constitution adoptée par référendum en 2006 présenterait plusieurs défauts, selon les tenants du pouvoir actuel, qui empêcheraient une meilleure gestion du pays. Ainsi, le Secrétaire général du parti présidentiel parle désormais sans détour de cette question, laissant entendre que le parti au pouvoir prépare une nouvelle version de cette opération, qui n’est pas simple à réaliser.
Le changement de la Constitution nécessite, dans un premier temps, un consensus au sein de l’Union sacrée de la Nation, la plateforme qui soutient le Chef de l’État. Étant majoritaire à l’Assemblée nationale, un soutien de cette famille politique constituerait un premier pas vers le changement de la Constitution.
Le consensus au sein de l’Union sacrée signifierait tout simplement l’adhésion des leaders de cette plateforme, à savoir Jean-Pierre Bemba, président du Mouvement pour la Libération du Congo, ancien vice-président de la République sous Joseph Kabila durant la période 1+4, et ancien vice-premier ministre de la Défense nationale.
Bien que son poids politique semble un peu réduit, Bemba reste un acteur majeur de la scène politique congolaise. Il est donc normal qu’il soit consulté et qu’il donne son avis sur une question aussi capitale.
Vital Kamerhe, président de l’Union pour la Nation congolaise, est, au-delà de tout, le premier partenaire de Félix Tshisekedi par l’accord de Nairobi. Il a cru au rêve d’un Tshisekedi président de la République, alors que beaucoup n’avaient pas confiance en le fils du Sphinx de Limete. Selon leur accord, il devait lui succéder en tant que Premier ministre en cas de victoire à la présidence et aux législatives. Cela n’a pas été le cas ; l’homme a plutôt dirigé le cabinet du président de la République, jouant aux yeux de beaucoup le rôle de Premier ministre.
Selon les accords, l’UDPS devrait soutenir Kamerhe pour briguer la magistrature suprême après le premier mandat de Félix Tshisekedi. Cependant, le contexte a joué en faveur du président en place pour un deuxième mandat, ce qui est désormais fait. Vital Kamerhe est donc devenu président de l’Assemblée nationale. Son poids politique dans le contexte actuel le place au centre des enjeux politiques et exige qu’il soit consulté sur cette question essentielle, surtout lorsque tout le monde sait que son rêve de diriger la RDC n’est pas un secret.
Vient ensuite Bahati Lukwebo, un jusqu’au-boutiste qui a dirigé la Chambre haute lors du premier mandat de Félix Tshisekedi. Président de l’AFDC-A, Modeste Bahati se retrouve aujourd’hui comme deuxième vice-président du Sénat et ne cesse de revendiquer une meilleure position pour lui et plus de postes dans la gestion du pays, mettant en avant le nombre de sièges au Parlement qui fait de sa formation politique la deuxième de l’Union sacrée. Son soutien à la modification de la Constitution ne peut que renforcer l’initiative du parti au pouvoir.
Il y a aussi Jean-Michel Sama Lukonde, qui, en réalité, n’est pas très influent en termes de poids politique, mais représente tout de même, au sein de l’Union sacrée, l’une des provinces les plus puissantes du pays. Son soutien, qu’il soit positif ou négatif, ne comptera peut-être pas pour les Katangais, mais symboliquement, cela peut avoir son importance ; en politique, on ne néglige rien.
Après l’Union sacrée, la bataille de la rue, où l’opposition devra mobiliser ses forces, ne sera pas facile à gagner. Martin Fayulu, président de l’Ecide et candidat malheureux aux deux dernières élections, Denis Mukwege, prix Nobel de la paix, Moïse Katumbi Tchapwe, président d’Ensemble pour la République, tous deux également candidats malheureux à la dernière présidentielle, sans oublier Augustin Matata Ponyo, sont ceux qui pourraient mobiliser la rue contre ce projet qui, au fond, est une volonté d’Étienne Tshisekedi, qui soutenait à l’époque son désir de changer la Constitution une fois l’UDPS au pouvoir.
Pour rappel, la Constitution actuelle a été adoptée par référendum le 18 mai 2005 et est entrée en vigueur le 27 février 2006. Elle remplace la Constitution de 1964 et ses révisions successives.
Elle stipule que le Président de la République est élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. Cela a été un point de controverse, notamment en ce qui concerne les discussions sur la possibilité d’un mandat illimité.
Une nouvelle Constitution qui consacrerait une nouvelle République est une bonne idée, mais la grande question est de savoir quel est l’objectif principal de cette initiative. Est-ce réellement de doter le pays d’un meilleur instrument pour une bonne gestion ? Ou est-ce plutôt de trouver le moyen d’instaurer des mandats illimités et de permettre ainsi à l’actuel Chef de l’État de se représenter pour un troisième mandat ?
Jacques Amboka