Héritier n’a que 13 mois. Fièvre, fatigue et douleurs musculaires caractérisent son état actuel. Entre les bras de sa mère, en attente du médecin pour un diagnostic faisant de vas et viens dans les matinées de cette dernière semaine du mois d’Août. À la sortie de la salle de soins, quelques minutes plus tard, la jeune mère d’Héritier nous confie le rejet de son partenaire concernant la vaccination de leur fils. Soucieuse de la santé de son enfant, elle ressent un vif désir de le vacciner, même sans le consentement de son partenaire.

« Mon partenaire refuse de vacciner Héritier. Je suis convaincue qu’il souffre de plus en plus à cause de cela. Je suis prête à le vacciner, même sans son consentement ».

Cette situation n’est pas anecdotique. Le Dr Gauthier Mbuku, médecin, regrette cette incompréhension parentale au regard du vaccin distribué gratuitement pour sauver des vies. En sa blouse blanche, il tire la sonnette d’alarme.

« Les symptômes observés chez des enfants comme Héritier que vous voyez peuvent mener à la poliomyélite. C’est une maladie silencieuse qui tue des milliers d’enfants. Les vaccins sont gratuits, je ne comprends pas pourquoi les parents se réservent de vacciner leurs enfants, pour attendre que la maladie s’aggrave et venir débourser pour l’ordonnance. Ce n’est pas bien ! »

Pour contrer cette menace, des campagnes de vaccination se multiplient. Delphin Kabalika, superviseur et formateur du Programme Élargi de Vaccination (PEV) à l’Hôpital Général de Référence, insiste.

« Mobiliser la communauté, c’est ce que nous faisons chaque jour. D’ici le 28, nous allons lancer une campagne de vaccination à Kipushi. C’est pourquoi aujourd’hui vous me voyez devant les relais communautaires en train de leur expliquer comment procéder. Il est impératif de sensibiliser les parents à la nécessité de vacciner leurs enfants. Car un enfant peut contaminer deux cents autres en une journée ».

Agnès Bulambembe, journaliste à l’Agence congolaise de presse, est bénéficiaire de cette formation organisée par le PEV. Elle partage son constat.

« Nous, en tant que journalistes, il est essentiel d’adapter notre approche pour sensibiliser la population. Nous devons expliquer clairement les raisons derrière les changements dans la tranche d’âge pour la vaccination et le besoin de campagnes successives. Certains parents expriment des réticences, considérant que ces vaccinations deviennent trop fréquentes. Il est donc de notre responsabilité d’éclairer le public sur l’importance de ces mesures et d’informer sur les bénéfices des vaccinations répétées pour la santé des enfants ».

En RDC, le cadre légal sur la vaccination repose sur la loi sur la santé publique. La loi numéro 18/35 du 13 décembre 2018 stipule que la vaccination est obligatoire pour tous. Pourtant, cet article est fréquemment ignoré, surtout en ce qui concerne la poliomyélite.

Cette année, les chercheurs de l’université de Lubumbashi se sont également engagés dans la lutte. Tel est le cas à l’école supérieure de santé publique où les recherches sont menées, les résultats discutés et des recommandations formulées pour améliorer la situation. Israël Badypwila est médecin participant et communicateur à la haute école de santé publique. En ce jour, il vient de participer aux assises activées sur l’impact, les défis et les perspectives de la vaccination des enfants de zéro à 24 mois. Il évoque des difficultés énormes dans leurs recherches.

« La couverture de la santé vaccinale dans la province du Haut-Katanga est un véritable problème de santé publique. Mais le grand regret que nous avons est que les chiffres communiqués par nos enquêteurs ne corroborent pas toujours avec les réalités sur le terrain. Étant une étude d’observation, nous voulons comprendre ce qui explique que la couverture de vaccination dans la province du Haut-Katanga soit toujours inférieure à 50 %. Et cela a été démontré même par les récentes enquêtes de 2024 organisées par l’équipe de Kinshasa en collaboration avec l’école de santé publique. C’est un sérieux problème qui fait d’ailleurs l’objet de la recherche en cours pour l’amélioration de la santé universitaire en RDC ».

La poliomyélite, cette maladie infectieuse redoutable, se transmet par l’eau et les aliments contaminés et ne présente pas toujours de symptômes spécifiques. Le ministre de la Santé publique, hygiène et prévention, rappelle avec force : « Vacciner, c’est aimer. »

Aujourd’hui, seule une mobilisation collective, un consentement éclairé et une valorisation des vaccins permettront de protéger l’avenir de la jeunesse congolaise. La santé de milliers d’enfants en dépend.

 

Lubumbashi, Loss-Adonis Ngoyi