Comme un disque rayé, le dialogue, ce terme cher aux politiques congolais, refait surface. Il est souvent synonyme de partage du pouvoir, incarnant une démocratie congolaise marquée par la contestation systématique, le refus d’une perception républicaine de la réalité et l’attente du moment opportun pour recourir à l’astuce infaillible du dialogue. Tous le prônent, mais chacun lui insuffle un sens qui correspond à sa propre charge politique.
Face à la menace d’une véritable balkanisation due à l’agression rwandaise, le président Félix Tshisekedi a lancé un appel à l’unité nationale. Il a exhorté toutes les forces vives de la nation à se mobiliser pour faire face à cette guerre, qui, chaque jour, fait de nouvelles victimes. Dans son message à la nation du 29 janvier 2025, au lendemain de la prise de Goma par l’armée rwandaise et ses alliés du M23, il a plaidé pour une union sacrée, invitant chacun à puiser dans son amour de la patrie pour soutenir les efforts de reconquête.
Cependant, la Cenco se positionne en médiateur, comme si elle devait organiser un dialogue similaire à celui de 2016, qui visait à gérer la fin du mandat de l’ancien chef d’État Joseph Kabila en prévision des élections de 2018. Ce fut un moment de consensus calendaire, précédé de répressions sanglantes.
Aujourd’hui, l’opposition voit dans cet appel une opportunité d’apaiser un climat politique qu’elle juge répressif. Elle estime que le régime actuel, loin d’être un véritable pouvoir démocratique, gouverne sans respect des normes établies. Pour ses figures de proue, un accès aux rênes du pouvoir est nécessaire afin de préserver ce qui peut encore l’être.
Mais une question demeure : ce dialogue que la Cenco envisage d’organiser concernera-t-il également le pouvoir de Kigali ? En effet, des militaires rwandais sont présents à Goma, à Bukavu et ailleurs. Après avoir rencontré le président rwandais, véritable patron du M23, quelle force la Cenco aurait-elle pour imposer la paix, alors que Kagame suit un agenda distinct ? Un agenda qui, en grande partie, vise la désintégration de la République Démocratique du Congo, avec pour objectif le pillage systématique de ses ressources naturelles et un remplacement progressif de ses populations.
En se présentant comme médiateur, la Cenco semble accepter implicitement la balkanisation du pays, ignorant la revendication d’autonomie exprimée par le M23. Comment des prêtres peuvent-ils simplifier une question aussi grave, qui a déjà pris une dimension militaire aiguë ? La Cenco est-elle consciente que, derrière le Rwanda, se cachent des puissances occidentales dont les agendas sont de plus en plus évidents dans les parlements étrangers ?
Même si Tshisekedi, Fayulu, Katumbi et d’autres redevenaient complices, cela empêcherait-il la machine de rapine internationale de poursuivre son œuvre ? À l’approche de cette rencontre, il est clair que la dimension géostratégique de la situation échappe aux évêques, dont la bonne foi ne saurait suffire à résoudre la contradiction principale qui oppose aujourd’hui la RDC au Rwanda.
En période de crise ou de guerre, il ne peut y avoir de contestation du leadership, car une armée divisée, tout comme un pays fracturé, ne peut faire face à l’adversité. Certains pensent qu’il est temps de punir Félix Tshisekedi pour des raisons qui leur sont propres, oubliant que les crises qui nous fragilisent résultent d’une planification extérieure destinée à saper le développement, l’unité nationale et l’intégrité territoriale de la RDC. Une manœuvre orchestrée par Paul Kagame, instrument de l’Occident.
À l’instar de Chiang Kai-Chek qui, lors de l’invasion japonaise de la Chine, avait mis de côté ses différends avec Mao Zedong pour faire front commun, il est crucial que les dirigeants congolais transcendent leurs rivalités afin d’affronter la menace extérieure. La victoire de la Chine sur le Japon est un exemple de ce que peut accomplir un front patriotique uni.
La République Démocratique du Congo a toujours été au croisement des intérêts mondiaux. Son salut ne viendra que par l’unité de son peuple. L’élite congolaise a la responsabilité de traduire les aspirations confuses des masses en une vision claire, afin de bâtir un destin commun en accord avec l’appel à la grandeur de la RDC. Ignorer cette mission sacrée reviendrait à donner raison à ceux qui pensent que nous ne méritons pas ce pays.
La fin de cette guerre d’agression ne dépend pas uniquement d’un dialogue aux modalités connues. Le choix des animateurs, la réévaluation de notre politique extérieure et la prise de conscience nationale sont des facteurs essentiels pour construire un État congolais fort. Un État capable de mettre un terme à l’affaiblissement d’un peuple désuni et de lui rappeler une vérité fondamentale : ce sont les hommes qui fabriquent les frontières.
Henry Mutombo Mikenyi, chercheur en fiscalité et géostratégie