Par Modeste MBONIGABA, Essayiste

Juillet 2022

Introduction
Faut-il rappeler que jusquau 30 juin 1960, le Congo est dirigé par le colonisateur belge. Son bilan, à cette date, en matière de développement économique est parmi les plus enviables en Afrique, dans une grande partie de lAsie et même au-delà ! Ce pays se place en effet au même niveau de développement que lAfrique du Sud, le Canada ou la Corée du Sud.

Aujourdhui, plus de six décennies plus tard, un pays comme la Corée du Sud affiche un Produit Intérieur Brut qui tourne autour de 1.500 milliards de dollars américains alors que le Congo Kinshasa « patauge » encore dans un PIB dà peine 50 milliards de dollars US, soit trente fois moins !!!

Que sest-il passé pour que le Congo connaisse une telle dégringolade au cours de cette période ? Y aurait-il eu un tsunami ou un cataclysme dune rare ampleur qui se serait abattu sur le Congo, provoquant ainsi un désastre économique sans précédent ? La réponse à toutes ces questions est on ne peut plus simple. Au 30 juin 1960, en dehors du contexte international qui change du tout au tout vis-à-vis du Congo, la seule chose qui change dans ce pays au plan humain cest le remplacement de lencadrement colonial (et ses méthodes !) par lencadrement autochtone. Tout le reste ne bouge pas. Ce sont les mêmes ouvriers et autres auxiliaires qui continuent, sauf que lencadrement est désormais majoritairement assuré par certains anciens ouvriers et auxiliaires !

 

On peut donc supposer que si lencadrement (et la donne politique) navait pas changé après le 30 juin 1960, le Congo serait aujourdhui au même niveau de développement que la Corée du Sud et afficherait ainsi un PIB de 1.500 milliards USD !

Lencadrement étant censé provenir de lintelligentsia dune Nation, il sensuit que la faillite de lintelligentsia congolaise face au redressement de la Nation serait due au fait que lefficacité managériale de lencadrement autochtone, qui avait pris la relève de lencadrement colonial, naurait pas été à la hauteur des enjeux et des attentes.

Après avoir fait cet amer constat, nous nous proposons de chercher à identifier la principale cause explicative de cet incroyable décrochage qui a littéralement bloqué lascension du Congo vers les mêmes cimes de progrès matériel quaffiche aujourdhui la Corée du Sud ou le Canada, par exemple. Ensuite, nous passerons rapidement en revue les principaux défis qui, du fait de ce décrochage, nont pu être relevés, hypothéquant ainsi tout espoir de développement véritable. Enfin, nous proposerons lapproche qui, selon nous, pourrait permettre à un pays comme le nôtre de se ressaisir pour enfin sengager sur la voie dun développement fulgurant, et devenir ainsi un véritable eldorado africain.

SCENARIO DUNE FAUSSE PASSATION DE POUVOIRS OU LE CHAINON MANQUANT

Que sest-il passé au juste le 30 juin 1960 ? Ce fut une grande cérémonie protocolaire au cours de laquelle le propriétaire officiel du Congo (jusquà cette date) était censé venir remettre officiellement les clefs de ce pays à son désormais nouveau propriétaire ! Déjà, au niveau de la simple mise en scène, les choses se passent plutôt mal ! En effet, le malentendu ou lincompréhension sort au grand jour dès ce moment-là ! Alors que le nouveau propriétaire (incarné par le Premier Ministre Patrice Emery Lumumba) prend très au sérieux son nouveau statut, lancien (et toujours) propriétaire du Congo (le Roi des Belges Baudoin1er) supporte mal le fait que le « nouveau » propriétaire (sur papier !) nait pas correctement assimilé la leçon et, donc, son rôle de simple surveillant ou gardien dun patrimoine qui, lui, na pas changé de propriétaire !

On connait la suite de ce tragique malentendu. Lancien et toujours véritable propriétaire du fabuleux « patrimoine congolais » va immédiatement reprendre la situation en mains pour remettre les choses à lendroit, en éliminant physiquement lempêcheur de la poursuite de lexploitation paisible de lex-colonie et en plaçant ses pions à tous les postes stratégiques. La corruption à grande échelle des autres membres de la nouvelle nomenklatura fera le reste…

Depuis lors, contrairement aux apparences et donc aux figures des acteurs qui se succèderont sur la scène congolaise, le propriétaire, lui, ne changera pas ! Il y aura, par brefs épisodes, des illusions éphémères dun changement de propriétaire. Mais ce ne seront que des illusions… !

Au début des années 60, un intellectuel congolais, Auguste MABIKA KALANDA – à travers son livre intitulé : LA REMISE EN QUESTION, BASE DE LA DECOLONISATION MENTALE – tentera sans succès (et pour cause ! Tout est déjà verrouillé pour que le statu quo demeure !) dentrainer les Congolais vers ce qui aurait pu être effectivement le début de leur décolonisation mentale.

Aujourdhui, plus de soixante ans après, plus des apparences changent, plus cest la même chose ! De nouveaux concepts seront même imaginés et lancés sur le « marché des idées » dans le but de distraire ou de servir de diversion afin que les Congolais ne puissent pas se focaliser sur lessentiel, à savoir : lémergence dune véritable citoyenneté congolaise permettant aux Congolais dintérioriser enfin leur véritable statut de PROPRIETAIRES du Congo !

Car au 30 juin 1960, à part quelques initiés, nombreux sont ceux qui ne comprennent pas le sens profond du mot INDEPENDANCE. Ce mot qui, sans aucun doute possible, a une signification très précise pour LUMUMBA. Pour lui, INDEPENDANCE signifie APPROPRIATION ! Autrement dit, ces hommes et ces femmes qui étaient jusqualors de simples ouvriers, des auxiliaires ou simples habitants de la colonie deviennent à cette date les seuls et uniques PROPRIETAIRES du Congo !

Cest le lieu de signaler quau terme dune trentaine dannées de recherches essentiellement centrées sur les élections, la démocratie et le développement en Afrique et sanctionnées par une trentaine décrits sur ces trois thématiques, nous sommes arrivés à détecter la faille qui rendait jusquici impossible toute tentative dappropriation par les Congolais de ce patrimoine commun nommé CONGO. Cette faille, cest labsence du mental, labsence de la mentalité de PROPRIETAIRE ! Nous avons, chemin faisant, fini par découvrir que labsence de la mentalité de PROPRIETAIRE avait, elle aussi une explication, à savoir : un mauvais usage de lurne, cet outil par excellence au moyen duquel le Peuple-Patron (ou le Propriétaire) délèguerait, pour un temps, son pouvoir dont il est lunique détenteur ! Lattitude du commun des Congolais, face à lurne, aura en effet été la meilleure démonstration du fait que ce dernier nest pas du tout conscient dêtre le copropriétaire du Congo ! Car, qui est ce propriétaire normal et conscient de lêtre qui peut confier, à travers le vote, la gestion de son patrimoine, disons, au premier venu ? Le réflexe quasi automatique de tout propriétaire digne de ce nom ne devrait-il pas être tout au moins de chercher à ne placer que les meilleures personnes à la tête de tous les postes électifs gouvernementaux ?

Est-ce pour barrer la route à cette éventualité que le désormais « propriétaire illégitime » aurait, dès le départ, prévu la parade en vidant de sa substance (via ses relais locaux désormais installés à tous les postes de responsabilité) la fonction centrale du vote comme mode par lequel le propriétaire du patrimoine choisit, pour un temps, les meilleurs des fils et filles du pays pour gérer celui-ci en son nom ? En réduisant en effet cette fonction centrale à du simple folklore, le « propriétaire illégitime » a réussi à verrouiller jusquici tout le système parce quil a été clairement démontré que lAfrique en général (dont le Congo est, par sa taille, lun des membres les plus représentatifs) ne décolle pas à cause dun leadership loin en-deca des attentes et des défis à relever.

Kofi Annan et beaucoup dautres hauts responsables africains et mondiaux ont clairement conclu que le blocage de lAfrique était essentiellement dû à un leadership déficitaire qui empêcherait ce continent de valoriser au mieux son énorme potentiel.

TOUS LES DEFIS MAJEURS NE SONT PAS RELEVES
Au moment de la pseudo-indépendance du Congo en 1960, les défis à relever pour construire un Etat moderne sont légion et pour ainsi dire hors de portée, vu les médiocres conditions dans lesquelles naissent les nouveaux Quasi-Etats africains. Quil sagisse de la mise en place des infrastructures routières, ferroviaires, portuaires ou aéroportuaires ; quil sagisse des infrastructures sanitaires, scolaires, universitaires ou de recherche ; quil sagisse de la desserte en électricité et en eau potable ; quil sagisse de la modernisation de lagriculture, prélude à une industrialisation intégrée et correctement articulée…bref, tous les défis auxquels fait face le nouveau Congo sont très loin au-dessus des capacités managériales de ses dirigeants successifs.

En fait, sagissant des défis majeurs à relever, il y en a un qui ramasse pratiquement tous les autres. Cest celui de la construction dun véritable Etat ! Car, en plus de six décennies de pseudo indépendance, nous nous sommes contentés dun pseudo Etat, un semblant dEtat, un Quasi-Etat bref, en réalité, un non-Etat !

Avec la réforme opérée ici, permettant de faire éclore une nouvelle race de Citoyens, des Citoyens on ne peut plus exigeants, cest un Etat-Savant, un Etat-Stratège, un Etat-Manager du destin collectif qui désormais occuperait lespace territorial congolais !

Avec ce type dEtat porté par des Citoyens dune rigueur et dune exigence extrêmes, plus rien narrêterait le Congo sur la voie de son développement qui serait, à nen point douter, un développement fulgurant ! En effet, face à lénorme retard à rattraper en matière dinfrastructures, le pays afficherait un taux de croissance à deux chiffres au cours des vingt à trente prochaines années, transformant ainsi le développement aujourdhui phantasmé, en une réalité palpable et mesurable.

Le chantage au séparatisme, à la sécession et à la balkanisation ne trouverait plus décho nulle part au Congo ou ailleurs. La corruption à grande échelle au niveau dun appareil dEtat devenu aussi vigilant et aussi stratège ne serait plus envisageable !

Le pouvoir judiciaire aujourdhui perçu par tout le monde comme « le plus grand malade » de lappareil étatique serait totalement métamorphosé avec la fin de limpunité sous toutes ses formes.

Comme, selon Mgr Tharcisse TSHIBANGU, les Congolais seraient dans leur écrasante majorité Unitaristes, il devient aisé de passer, sans coup férir au fédéralisme parce quà part une infime minorité de ceux quil appelle les « Centralistes », le Congo, à linstar dun pays comme les Etats-Unis dAmérique, serait majoritairement à la fois unitariste et fédéraliste !

PRISE DE POSSESSION PAR LURNE
Pour restituer au vote tout son sens, tout son contenu et toute sa portée, nous proposons la formule qui permettrait de faire sauter le verrou qui, jusquaujourdhui, empêche le véritable décollage du Congo (et de lAfrique) un décollage qui, au regard de son énorme potentiel de croissance, devrait être fulgurant.

La colonisation mentale nous aurait-elle endormis dans le rêve dun monde où il ny aurait que des droits et non des devoirs ? Comment, par exemple, faire croire quen matière de vote, nous naurions que des droits et pas de devoirs ? Il est vrai que le droit de vote est aujourdhui un acquis indéniable reconnu à tout citoyen dun Etat qui se veut démocratique mais, qua-t-on fait du devoir qui devrait être intimement accolé à ce droit, à savoir : LE DEVOIR DE BIEN ELIRE ? Peut-on en effet légitimement accorder le droit de vote à quelquun dont on nest pas assuré quil accomplirait son devoir délecteur de façon rationnelle et responsable ? La faillite de nos Etats ne serait-elle pas justement due au fait que le Propriétaire du Pouvoir (à savoir, un Peuple averti et exigeant) naurait pas correctement joué son rôle de véritable souverain primaire en ne conférant le droit de vote quà ceux-là seuls qui lexercerait avec responsabilité ? Lorsquon pose cette question, on découvre, comme par enchantement, que cest justement ce manque de rigueur qui a été de mise dans tous nos pays depuis le retour de la pseudo-démocratisation, au début des années 90 !

Cest en effet la « folklorisation » du vote qui a tué la démocratisation véritable de lAfrique en réduisant cette dernière à une simple procédure. Cest parce quelle a complètement ignoré le contenu et la substance de la véritable démocratie, que la « démocratisation à loccidentale » assaisonnée à la sauce africaine, a en effet davantage exacerbé les clivages tribaux, ethniques, géographiques, linguistiques ou religieux, sans pour autant mettre fin, (ni même atténuer de façon significative !!!), le népotisme, le régionalisme, la corruption et la mauvaise gestion institutionnalisées, linfantilisme politique, le « non développement », les violations répétées des droits et libertés des citoyens, etc.

Avec un vote réduit à du simple folklore produisant une démocratie de façade pour ne pas dire caricaturale, le développement à attendre ne pouvait être quun développement étriqué. Surtout quen matière de développement aussi il se pose le même problème dappropriation. En effet, aucun peuple ne peut se développer sil na pas dabord acquit la mentalité du développement. Autrement appelée mentalité pharaonique – celle de bâtisseurs, dentrepreneurs et de conquérants – cest cette mentalité nouvelle qui conduirait à la prise de possession du patrimoine congolais suite à la mise en place dun système électoral totalement adapté aux réalités congolaises en particulier et africaines en général, un système électoral qui, tout en garantissant la participation effective de chaque citoyen (tous les 40 à 50 millions délecteurs attendus aux prochains scrutins gardent leur droit de vote !) veillerait cependant à ce que chaque voix exprimée soit véritablement une voix en or, une voix non susceptible dêtre bradée contre une bière, un t-shirt ou un petit billet de banque ! Bref, il sagit sans plus ni moins dune mise à mort du concept « CHANCE ELOKO PAMBA » et la réhabilitation du mérite, du travail acharné et de lexcellence qui est la voie obligée pour réhabiliter lintelligentsia congolaise et, par ricochet, lamorce du redressement de la nation ! Cest cette vision globale des enjeux et des défis à relever qui éclairerait dun jour nouveau les stratégies requises pour transformer notre pays en eldorado africain !

CONCLUSION
Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que derrière la faillite de lintelligentsia congolaise face au redressement de la Nation, il y a, au premier rang, le Patron, le Propriétaire du Congo qui jusquici ignorait qui il était au juste ! Ce Patron cest le Peuple congolais qui jusquici navait pas décelé la faille qui le rendait inopérant, inefficace, impuissant !

En transformant en or ce bout de papier que chaque citoyen dépose, à intervalles réguliers, dans une urne, tout change !

Avec la mort de CHANCE ELOKO PAMBA, un autre Congo, un nouveau Congo dont nous avons toujours rêvé va voir le jour. Un Congo qui retrouvera les couleurs et les ambitions que Frantz FANON, Kwame NKRUMAH ou Cheick ANTA DIOP notamment lui avaient prédites à laube de notre pseudo indépendance. Bref, un Congo qui deviendra effectivement un véritable eldorado pour lAfrique et le monde !

 

Fait à Kinshasa, le 18 juillet 2022

Modeste MBONIGABA

By 24news

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