Les Accords de Washington ont suscité un espoir national : ils devaient apporter une solution rapide à l’occupation et aux violences à l’Est. Pourtant, alors que les capitales diplomatiques célébraient un texte et une feuille de route, la réalité sur le terrain est restée inchangée pour des centaines de milliers de Congolais, des villages pillés, des familles décimées, des populations déplacées et des services essentiels effondrés. Le diagnostic du Dr Babah Lusungu, analyste politique de la ville de Beni, est sans détour : la paix ne tombera pas automatiquement d’un accord signé à Washington.
Le constat humain est accablant. Selon le Dr Babah, plus d’un million de déplacés dans l’Est vivent sans assistance ni accès aux soins, tandis que les villes comme Goma et Bukavu ploient sous la pénurie de médicaments, de carburant et le blocage des services bancaires. La violence y a des effets immédiats et structurels : écoles fermées, hôpitaux fragilisés, économie locale paralysée et une jeunesse enrôlée de force par les groupes armés. Ce n’est pas seulement un échec politique, mais un effondrement du tissu social et sanitaire au quotidien.
Pour le Dr Babah Lusungu, comprendre l’échec annoncé des accords exige de regarder la géopolitique : Washington ne négocie pas pour l’amour de la paix, mais pour des intérêts stratégiques, notamment l’accès aux ressources critiques et l’équilibre face à d’autres puissances. Les exemples évoqués montrent que les grandes puissances modulent leurs positions selon des intérêts, et que des dirigeants décriés peuvent redevenir des partenaires lorsque la stratégie l’exige. Ainsi, la logique d’intérêts internationaux peut neutraliser les enjeux de justice et de souveraineté pour la population congolaise.
La conséquence directe est dangereuse : si les intérêts stratégiques l’emportent, rien n’empêchera la poursuite d’une exploitation illégale des terres rares et le maintien de forces étrangères sur le sol congolais, malgré les textes et promesses. Dr Babah Lusungu alerte que la posture américaine, favorisant un partenaire régional pour contrer une autre puissance, fragilise la capacité de l’État à contrôler son territoire et protège, de fait, des acteurs accusés de violations. Le risque de normalisation de l’occupation devient alors réel.
Face à ce constat, le Dr Babah Lusungu ne se contente pas de la critique : il propose un plan d’urgence et de résilience nationale. Son appel principal est à la mobilisation générale, un recrutement massif et encadré de jeunes Congolais pour renforcer les capacités militaires, combiné à une formation courte, un équipement adapté et des indemnités attractives. Il insiste sur la nécessité d’un effort matériel et financier organisé, y compris par des collectes publiques, pour soutenir l’effort national et rétablir l’autorité de l’État au front.
Sur le plan politique, Dr Babah Lusungu préconise des concertations nationales larges, majorités, opposition, société civile et diaspora, pour former un gouvernement d’union nationale capable de gouverner par décret pendant une période transitoire, afin de concentrer ressources et décisions sur la sécurité et la reconstruction. Il recommande aussi des mesures immédiates : fermeture contrôlée des frontières avec le Rwanda, renforcement logistique des forces congolaises et création d’un état-major avancé pour mieux coordonner l’Est de la RDC.
Son analyse se clôt sur une mise en garde et un appel à l’action : la pilule est amère, mais ne pas agir conduira à la perte progressive du territoire et à la balkanisation. Le Dr Babah Lusungu invite la nation à choisir entre subir les réalités géopolitiques dictées par d’autres et se donner les moyens d’un sursaut souverain. Si les accords internationaux peuvent être une pièce du puzzle, ils ne remplaceront jamais la volonté, la préparation et l’organisation nationales exigées pour restaurer la paix durablement.
Gires Kasongo
