Il est devenu de tradition qu’à l’installation d’une nouvelle équipe dirigeante à la Ceni les acteurs socio- politiques s’agitent et passionnent le débat national au risque de confondre le fond et la forme. Il est indiqué qu’en pareille circonstance, tout citoyen patriote partage ses analyses avec ses concitoyens. Telle est la motivation de cette réflexion tirée de mes recherches sur la régularité du cycle Électoral face aux élections locales en Rdc dans le cadre de mon mémoire de Master en gestion du cycle Électoral à l’EFEAC- Kinshasa (École de formation Électorale en Afrique Centrale), une des école d’excellence de la Communauté Économique des de l’Afrique Centrale, CEAC.

Pour rappel, la Commission Électorale Indépendante, CEI, a été instituée le 18/4/2002 par la résolution no DIC/ CPJ/09 du dialogue inter congolais de Sun City en Afrique du Sud. Une partie de ses membres furent installés en Août 2003 après avis des membres du comité international d’accompagnement de la transition alors que sa première loi organique, loi no 04/09 sera publiée le 5/6/2004. L’ensemble des membres de la CEI prêteront serment le 28/8/2004. Jusqu’à ce jour, la CEI devenue Ceni en 2011, a été régie par trois lois organiques : 2004, 2011 et 2013. Cette dernière est une loi modificative de celle de 2011. Considérant les dates de remise reprise, la CEI/ Ceni a eu aussi quatre équipes dirigeantes : 1) Abbé Malu Malu 1: Août 2003 au 3/3/ 2011; 2) Pasteur Mulunda : du 3/3/2011 au 27/6/2013; 3) Abbé MaluMalu 2: 27/6/2013 au 20/11/2015; Nangaa Corneille : du 20/11/2015 à nos jours. Comme la loi organique fixe le mandat des membres de la Ceni à six ans, l’équipe Nangaa a complété le mandat de l’équipe Abbé Malumalu 2 qui courait du 27/6/2013 au 27/6/2019. L’équipe Nangaa est donc fin mandat depuis une année, Juin 2019.

En principe, à chaque équipe correspond un cycle électoral. Pour s’abreuvoir des questions de la composition de la CEI/ Ceni et des réformes électorales, les rapports des trois cycles électoraux partant de 2003 à nos jours sont des outils importants. Il s’agit des rapports suivants : rapport général sur les élections. Août 2003-Mars 2011; rapport sur les élections présidentielle et législatives du 28/11/2011 en République Démocratique du Congo. Défis, stratégies et résultats. Kinshasa, Mars 2011; rapport général du processus électoral de 2012 à 2019;

Il ressort de ces trois rapports ainsi que des rapports annuels présentés par la CEI/ Ceni à l’Assemblée Nationale que chaque cycle électoral a toujours été clôturé par une évaluation assortie des recommandations susceptibles d’induire des réformes électorales. Ces exercices d’évaluation du processus électoral ont toujours eu lieu à la fin de chaque cycle électoral ou à chaque remplacement de l’équipe dirigeante. Tel a été le cas en 2007, 2012, 2015 et 2019.

A la lecture des trois lois organiques de la CEI/ Ceni( 2004, 2010 et 2013) et des recommandations issues des évaluations du processus électoral , nous faisons un essai d’analyse sur la composition de la CEI/ Ceni et des réformes électorales en RDC . Et dans une brève conclusion nous esquisserons la relation entre les deux.

S’agissant de la composition de la CEI/ ceni, elle a connu jusqu’à ce jour trois configurations. La première, celle de la CEI, est celle des composantes et entités au dialogue inter congolais de Sun City en 2002 : Gouvernement, opposition politique, Rcd, MLC, Rcd- Kml, Rcd- N, société civile, Mai-mai. Composée de 21 membres, soit 3 pour chaque composante excepté le Rcd Kml, le Rcd-N et les mai-mai qui ont eu chacun droit à deux délégués. Répondant à une logique post conflit l’équipe a été jugée trop lourde en 2010. La deuxième configuration est celle du passage de la CEI à la Ceni par la loi no 10/013 du 28/7/2010 dont les membres seront installés le 3/3/2011. Elle est bipolaire, majorité – opposition et composée de 7 membres dont 4 de la majorité et 3 de l’opposition. A l’issue des élections combinées du 28/11/2011, elle n’a pas résisté, laissant place à une nouvelle équipe. Celle- ci, la troisième configuration et celle actuelle est instituée par la loi no 13/012 du 19/04/2013. Elle est tripolaire : majorité, opposition et société civile qui en assure la présidence. Elle introduit plusieurs innovations : la réintégration de la société civile , la représentation des femmes à 30%, la répartition clarifiée des attributions entre membres et la fixation des membres de la Ceni à 13 en raison de 6 pour la majorité ( coalition actuelle Fcc-Cach), 4 pour l’opposition et 3 pour la société civile .

Au vu de ces trois configurations on est en droit de se poser certaines questions. Faut-il une Ceni composée uniquement de la société civile alors que celle- ci est officiellement divisée en pro majorité et pro opposition depuis les dialogues de la cité de l’Union Africaine et du Centre inter diocésain de la Cenco de 2016 ? Faut-il augmenter le nombre des membres de la Ceni au-delà de 13 en cette période de crise financière due à la Covid-18 ? Faut-il augmenter le quota des femmes qui est déjà au seuil légal de 30% ? Faut-il attribuer la présidence de la Ceni au-delà de la seule composante confessions religieuses pour l’ensemble de la société civile ou même pour la majorité et l’opposition pour ainsi démultiplier la cacophonie pour la sélection de ce président ? Faut-il modifier la loi organique de la Ceni pour que ses 13 membres soient attribués proportionnellement au nombre d’élus à l’Assemblée Nationale alors que la société civile sortirait avec zéro et l’opposions avec deux, soit la moitié de son quota actuel ? Bref, quelle est l’opportunité de la révision de la loi organique sur la Ceni en dehors des innovations de la loi de 2010? Certains pourraient prétendre qu’il faut des hommes et des femmes intègres. Du dialogue inter congolais à nos jours, il devient de plus en plus difficile de confirmer que les meilleurs sont dans la société civile et dans l’opposition car il ne suffit pas de protester pour être le meilleur.

À côté de ce débat sur la révision de la loi organique sur la Ceni s’ajoute la polémique sur l’exigence de sa révision préalable pour qu’il y ait réforme électorale en Rdc. Il s’agit bel et bien d’un faux débat. Avec les membres actuels de la Ceni ou avec leurs successeurs les réformes électorales se feront conformément à la volonté du législateur.

D’une part, le mandat des membres de la Ceni est légal, six ans qui ont pris fin en juin 2019. Faut-il aujourd’hui hui que l’opposition et la société civile puissent légitimer le glissement des mandats des institutions alors qu’en 2016 ces mêmes composantes ont exigé sur tous les toits du monde le respect des mandats présidentiel et des élus nationaux ?

Par ailleurs, l’équipe actuelle de la Ceni a déjà fait sa part vers les réformes électorales futures par les perspectives et les recommandations contenues dans son rapport général sur le processus électoral de 2012 à 2019(pages 251 à 262). À ce sujet, l’opinion publique devrait savoir que ce n’est pas la Ceni qui réforme le cadre légal des élections mais plutôt le parlement. Ayant déjà formulé ses recommandations en rapport avec les réformes électorales depuis 2019, la Ceni a jeté, il y a longtemps, la balle dans le camp du législateur, ce même qui réclame ces réformes notamment dans l’opposition.

Et pour être complet voici l’ossature des réformes électorales proposées par la Ceni en 2019:
– les perspectives sur l’organisation des élections urbaines, municipales et locales :
11 735 conseillers des chefferies et secteurs, 452 conseillers urbains ,622 bourgmestres et adjoints, 64 maires des villes et adjoints, et 940 chefs des secteurs et adjoints ;
– les perspectives sur le recensement et l’identification de la population;
– des dispositions communes à toutes les élections ;
– des dispositions liées au mode de scrutin ;
– la problématique de l’électorat trop réduit aux élections indirectes;
– le délai trop long du traitement du contentieux électoral,

En conclusion, la loi organique de la Ceni introduite en 2013 tient encore debout. Cette loi ne saurait être indexée comme source des dérapages électoraux en Rdc. Toutefois, les parties prenantes peuvent modifier, si tel est le consensus, telle ou telle autre disposition sans en faire une question prioritaire du peuple congolais comme certaines voix le prétendent. Il n y a pas de relation entre la composition de la Ceni et les réformes car celles-ci sont des initiatives parlementaires, projets ou propositions des lois.

Bien plus, l’équipe actuelle de la Ceni a déjà donné sa contribution aux réformes électorales, la nouvelle équipe de la Ceni n’y reviendra plus, elle accompagnera seulement le gouvernement et le parlement dans ces propositions comme organe technique.

Qu’est ce qui qui justifierait alors les gesticulations actuelles de certains politiciens et acteurs de la société civile jusqu’ à chercher à faire croire que la priorité actuelle du peuple congolais serait la révision de la loi organique sur la Ceni ? Comme cela est souvent le cas, c’est le positionnement dans la Ceni . Ces deux composantes cachent à peine leur incapacité de dégager un consensus quand elles sont appelées à faire un choix des personnes. Cela date de la Conférence nationale en 1991 et s’est répétée au dialogue inter congolais à Sun City.

Faut-il ne pas le rappeler, le pasteur Ngoy Mulunda, investi Président de la Ceni
le 3/2/2011 a organisé les élections présidentielles le 28/11/2011. Son équipe n’aura eu que 9 mois pour organiser les élections. Sans du tout faire son avocat, il estime lui-même dans son rapport qu’il a fait un exploit que nul ne saurait réaliser, sauf lui alors que l’opinion est demeurée dans une optique opposée à cette argumentation. Cette auto satisfaction ne manque pourtant pas une dose de vérité. Les élections ne se gèrent pas dans la précipitation, c’est un processus complexe et encore plus complexe dans un pays vaste et sans infrastructures routières en bon état. Le rapport Mulunda s’étale aussi sur les multiples défis électoraux en Rdc aux élections de 2011 qui sont les mêmes celles de 2013 : défis organisationnels et légaux , défis logistiques , défis liés à la révision du fichier électoral et à l’inscription des candidats , défis liés à l’agrégation des résultats , défis liés à la gestion du contentieux électoral , défis financiers , défis sécuritaires , … autant des défis qui attendent la nouvelle équipe de la Ceni .

Parmi ces défis, une question préoccupe les observateurs de l’environnement électoral en Rdc : pourquoi les parties prenantes au processus électoral, qui aiment tant le peuple congolais, ne se soucient pas des agents de la Ceni abandonnés à leur triste sort par le gouvernement chaque fois après la publication des résultats électoraux (2007, 2012, 2019) ? L’intégrité des résultats des élections ne dépend-t-elle pas de ces agents permanents de la Ceni ? Pourquoi députés nationaux, sénateurs, députés provinciaux issus des urnes et autorités budgétaires ne plaident pas la cause de ces agents pleins de bravoure et d’abnégation ? Et pourtant ils sont impayés par le gouvernement depuis 2019 et leur statut reste imprécis.

Les vraies causes des dérapages électoraux en Rdc sont ailleurs que dans la loi organique sur la Ceni. Le traitement méchant du personnel de la Ceni par le gouvernement en est une. Il y en a plusieurs autres. La solution serait dans une plus grande opérationnalité des cadres de liaison de la Ceni avec les parties prenantes aux élections à travers lesquels les problèmes liés aux élections peuvent être discutés pour des solutions idoines : élections et partis politiques , élections et société civile , genre et élections , éducation civique et élections , jeunes et élections , médias et élections , partenaires et élections , …Malheureusement les acteurs majeurs des élections sèchent ces cadres comme ils ne sont pas des lieux de partage de pouvoir .

La révision de la loi organique de la Ceni n’est pas la solution à la crise électorale en Rdc. C’est pourquoi il est curieux de savoir pourquoi certaines propositions modificatives de la loi organique de la Ceni circulent avant même que celle-ci ne présente son rapport général à l’Assemblée Nationale et avant même qu’elle n’adopte les résolutions y relatives . L’avenir nous en dira plus.

De toute évidence, la durée des mandats des membres de la Ceni a un délai règlementé par la loi. Ce délai a expiré depuis une année, quoi de plus normal que les composantes concernées se concertent.

Enfin, les réformes électorales touchent à la constitution, à la loi électorale, à la loi sur la nationalité (double ou unique), à la loi sur l’identification des électeurs, …Ce long processus, ce va et vient entre la Ceni, le Gouvernement, le Parlement, la Cour Constitutionnelles et la Présidence de la République ne peut aucunement conditionner l’installation d’une nouvelle équipe dirigeante de la Ceni si ce n’est pour des raisons politiciennes.

Notre prochaine analyse épiloguera en profondeur sur la loi organique de la Ceni de 2013 et ses innovations majeures.

Par Jean Chrysostome vahamwiti Mukesyayira Député national honoraire, électoraliste

By 24news

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