Assise sur un pagne étalé devant la porte de sa modeste maisonnette, Doka Ntumba, 92 ans, incarne la douleur silencieuse de nombreuses veuves en RDC. Le visage marqué par les années et les épreuves, elle évoque une vie alourdie par les accusations et le rejet, dans une société où les veuves sont souvent perçues comme des sorcières.

«Quand leur père tombe malade, ils accourent vers moi pour m’accuser d’en être la cause. Il n’y a même pas un mois que leur cousin est décédé, et voilà qu’on me rend responsable de sa mort».

Sa voix tremblante, les mains sur les joues, Doka raconte l’angoisse qui a consumé son défunt mari, lui aussi victime de cette stigmatisation.

«Quand notre enfant n’a pas pu avoir d’enfant, ils se tournaient vers mon mari en l’accusant de vivre avec une sorcière. Il s’inquiétait jour et nuit, me demandant si c’était vrai. Il a fini par mourir de chagrin. Moi, j’attends seulement mon heure… mourir serait mieux que vivre ces accusations».

Pour Yvon Kibambe, anthropologue, cette perception profondément ancrée dans la culture congolaise relève d’un héritage néfaste :

«Dans nos sociétés, les veuves et veufs perdent souvent leur valeur sociale, considérés comme des porteurs de malheur. Cette stigmatisation est héritée et doit être remise en question».

Le psychologue Lucide Kabwit abonde dans le même sens et insiste sur l’importance de l’éducation pour rompre ce cycle.

«Seule l’éducation peut inverser la tendance ! Tous les acteurs doivent s’impliquer : pasteurs, enseignants, journalistes… Il faut enseigner l’égalité, le respect, et valoriser les veuves au lieu de les marginaliser».

Sur le plan juridique, André Kasoko, juriste, rappelle que la loi congolaise prévoit des mécanismes de protection pour les personnes vulnérables, y compris les veuves.

« Une protection légale existe, mais elle reste souvent théorique. Il est essentiel de sensibiliser les veuves à leurs droits et de leur garantir un soutien réel face aux abus ».

Alors que la Journée mondiale des veuves vise à rendre hommage à ces femmes et à encourager leur autonomisation, en RDC, la réalité quotidienne reste marquée par l’exclusion, les accusations et le silence.

Lubumbashi, Loss-Adonis Ngoyi

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