A Mbuji-Mayi, la loi foncière a visiblement été adaptée aux us et coutumes de la région qui comptent parmi les plus rigides d’Afrique, l’on dirait une sharia. Par exemple, pour démasquer une femme soupçonnée de forniquer, on lui soumet à des cuissons ritualisés de Nzolu wa bakishi «la poule des fantômes», le Tembu-Tembu «les oseilles qui rendent dingue», etc., Ici, la loi Bakajika selon laquelle le sol et le sous-sol appartiennent à l’Etat s’applique dans son extrême rigueur.
Le simple fait de détenir une pioche suscite des suspicions…d’Etat. Il est, en effet, formellement interdit de piocher la terre en quête du diamant, dans ce qui reste encore de la partie résidentielle de la ville.
Trois quartiers ont été, mi-mars 2021, vidés d’une large partie de leurs habitants dont les maisons ont été aussitôt expropriées sans ménagement et vendues au premier venu, sans aucune indemnisation à leurs propriétaires, sur décision des autorités politico-administratives et l’aval du chef coutumier de Bakwanga, le Mfoumou (Chef) Mpoyi.
Les familles déguerpies et expropriées à Nzaba, Ntambwe Kasanza et Mulomba Kamanda, des quartiers de la commune de Bipemba qui abrite l’unique aéroport de la ville, ont reconnu s’être livrées à l’exploitation artisanale du diamant dans leurs habitations mais estiment que la sentence des autorités municipales et coutumières trop disproportionnée par rapport à leur forfait.
Il semble pourtant que cette sanction est connue de tous dans la ville diamantifère afin de dissuader toute activité extractive dans une agglomération où la densité est l’une de plus forte de la RDC. Mbuji-Mayi compte environ six millions d’âmes. Toute la ville de Mbuji-Mayi grouille du diamant. Ce qui occasionne des érosions souterraines qui se développent à force de creuser une terre qui, selon des experts, n’est guère favorable pour la construction des habitations.
La situation s’empire en période de grandes crues, entre mars et mai, puis octobre et décembre.
LA VILLE SAINTE DU MULOPWE
Mbuji-Mayi a, en effet, vu le jour par la seule volonté du Mulopwe Kalonji, l’empereur sécessionniste du sud-Kasaï, qui a lancé, entre 1959 et 1960, l’opération Nkonga Muluba (rassembler le peuple luba) face aux exactions ethniques dans le Katanga, à Lualuabourg (Kananga) exacerbées par les Belges (Rapport Duquesne) qui qualifiaient les Luba-Kasaï d’immigrés hautains et dominateurs comme des Juifs d’où l’expression «Bayuda du Congo ». Ce qui n’était qu’un petit village des travailleurs noirs (indigènes) de la Minière de Bakwanga (Forminière) verra sa population passée de 2.500 à plus de 25.000, en l’espace de quelques semaines, dans des conditions humanitaires dramatiques.
Une timide rurbanisation de Mbuji-Mayi débute dans les années 1968. Aussitôt, les études du sol décélèrent des faisceaux d’indices d’érosions souterraines et conclurent à une délocalisation de la ville. Tant pis pour personne.
L’Etat zaïrois a poursuivi la politique de non-industrialisation de la région héritée de l’époque coloniale pour la qualité inadéquate de son sol, mais Mbuji-Mayi se construit… sans un plan réellement urbanistique. Le débat sur la délocalisation de la ville refait surface en octobre 2005 quand Mbuji-Mayi a été au trois-quarts défoncée suite à des pluies diluviennes. La population s’opposa à l’idée même de fermer temporairement l’aéroport de Bipemba.
La loi Denis Kambayi votée en 2008 à l’Assemblée nationale ouvre officiellement la ville (et toute la région) à l’industrialisation…pour sa perte. Mbuji-Mayi fait à ce jour face à une véritable hydre des érosions qui, remblayées à droite, se creusent aussitôt à gauche. La pseudo-ville s’engloutit un peu plus à la moindre intempérie. Selon les analystes, Mbuji-Mayi demeure sous le risque permanent d’être rayée de la carte du Congo.
POLD LEVI MAWEJA.