Dans une interview accordée à 24 News Agency et l’émission 7 jours en RDC diffusée sur Business 24, la chaîne panafricaine spécialisée dans l’économie, Jules Alingete, Inspecteur Général des Finances a abordé les questions relatives au fonctionnement de son institution qui désormais, donne de l’insomnie à plusieurs des gestionnaires de la choses publiques dont la gestion est jugée d’opaque. L’homme qui a totalisé ce 30 juin, exactement une année depuis qu’il dirige l’IGF a par ailleurs exprimé toute sa colère contre ceux qui sont accusés de détournement des fonds de l’État mais qui restent couverts par les immunités. Un entretien à bâton rompu au cours duquel le patron de l’inspection Générale des Finances n’a éludé aucune question. S’estimant content de voir que les actions menées par son institution qui bénéficie du soutien total du Chef de l’État donnent des résultats probants par l’amélioration des recettes dans plusieurs régies financières de l’État.

Dans son bureau sous une sécurité singulière, l’homme est presque englouti par autant de dossiers sur son bureau avec dans la salle d’attente plusieurs personnalités qui sollicitent une audience et pour arracher 5 minutes d’entretien avec Jules Alingete, n’est donc pas facile. Il nous en a accordé près d’une heure pour cet entretien dans la soirée de la veille du 30 Juin. 61 ans d’indépendance de la RDC, une date très symbolique pour l’IGF ,Jules Alingete totalise à la même date , une année à la tête de cette institution. Voici en extenso cet entretien accordé à 24 News Agency.

24news agency : En quelques mots, présentez nous l’inspection générale des Finances et dites-nous quelle est exactement sa mission ?

Jules Alingete : l’inspection Générale des Finances est le service de contrôle supérieur placé au près du gouvernement, c’est un service public qui relève de l’autorité directe du Chef de l’État. Elle a comme mission principale de veiller à la bonne exécution des lois en matière des finances publiques. Elle a été créée le 15 septembre 1987 comme inspection générale des finances créée sur le cendre de l’ancien corps des inspecteurs des finances qui relevait à l’époque du ministère des finances. À ce jour, l’IGF a connu plusieurs situations en ce qui concerne son rattachement. À sa création elle relevait de l’autorité directe du ministère des finances.Et après quelques années, compte tenu des enjeux de son travail, elle a été rattachée à l’autorité directe du Chef de l’État.Donc c’est depuis 2009 que l’IGF relève de l’autorité directe du Président de la République.

24news agency : l’IGF n’est donc pas une invention de l’actuel Chef de l’État. Comment expliquez-vous cette ampleur de donner l’impression comme si c’est le nouveau régime qui l’ a créée ?

Jules Alingete : la particularité de Son Excellence Monsieur le Président de la République Félix Antoine Tshisekesi Tshilombo c’est sa volonté de voir le contrôle des finances publiques s’effectuer en toute transparence. Nous avions toujours existé en tant que service mais plusieurs fois étouffé, on ne nous a pas laissé faire librement notre travail.

Quand l’actuel Président de la République est arrivé, il nous a laissé faire notre travail, il nous a donc donné plein pouvoir en disant que vous relevez de moi comme service mais je ne voudrais pas qu’il y ait de pesanteur. Faites votre travail en toute indépendance mais dans le respect des lois et règlements de la République.

Donc le Président de la République actuel a redonné de la valeur à l’IGF dans sa vision de la lutte contre les antivaleurs et dans sa volonté d’implimenter la bonne gouvernance. Voilà ce qui fait parler de l’IGF pour le moment.

24news agency : ce 30 juin, vous totalisez une année depuis que vous êtes à la tête de l’inspection Générale des Finances. Quels sont les dossiers de détournement qu’on peut considérer de phare que vous avez déjà détectés ?

Jules Alingete : Nous sommes arrivé à la tête de l’inspection générale des Finances le 30 juin 2020 et aussitôt arrivé, nous avions décidé de lancer un grand contrôle sur les exonérations fiscales et parafiscales dont bénéficiaient certains opérateurs économiques. Parce qu’en ce moment là, nous avions considéré que l’exonération était une méthode conçue pour détourner les deniers publics et saigner les finances publiques.
Nous avons trouvé plus de 1200 exonérations en vigueur et nous avions lancé une campagne contre les exonérations monnayées et fantaisistes. C’est donc le premier combat que nous avions mené à notre arrivée. Après les exonérations, nous nous sommes attaqués aux compensations des recettes qui aussi un mécanisme que nous avions trouvé dans les finances publiques congolaises qui consistent pour certains opérateurs économiques à ne pas payer les droits de l’État sous prétexte qu’ils détiennent des créances sur l’État congolais alors que nous avions constaté que certaines de ces créances étaient à problème et cette pratique faut saigner fortement les finances publiques. Nous avions combattu ce problème et aujourd’hui nous avons totalement réussi à éradiquer les compensations dans les finances publiques congolaises et nous avions rationalisé les exonérations. Après cela l’IGF s’est lancée dans l’inspection des dossiers importants de la République. Nous avions contrôlé les fonds covid, mis à la disposition du ministère de la santé. C’est au fait le premier contrôle que nous avions effectué. Nous avions découvert des détournements de deniers publics qui devraient servir à la lutte contre la covid-19.

Après cela nous avions fait le contrôle de la gratuité de l’enseignement pour voir ce qui s’est passé dans le secteur de l’enseignement. Là nous avions découvert aussi des détournements des derniers publics, les écoles fictives et personnels fictifs qui se trouvaient dans le fichier de l’enseignement. Nous avions par la suite fait d’autres contrôles notamment celui de parc Agro industriel de Bukanga Lonzo où l’État congolais avait déboursé plus de 300 millions de dollars sans résultat réel sur terrain. Nous avions également fait les contrôles d’un certains nombre des provinces à savoir celle de l’équateur, du Haut-Katanga, de Lualaba, du Kongo-Central,la province de la Tshopo et de la ville-province de Kinshasa. Nous sommes allés voir comment ces provinces sont gérées et là aussi nous avons ressorti des dégâts énormes.

24news agency: On peut estimer à combien de millions de dollars les détournements découverts?

Jules Alingete : c’est un peu difficile de donner les chiffres en détails. Mais vous devez retenir, depuis une dizaine d’années au Congo, les détournements c’est en terme de millions de dollars. Pour ceux là qui ont eu à gérer la chose publique, détourner 10 mille 100 mille, 500 mille dollars c’est rien. Il faut détourner des millions de dollars pour se sentir un véritable détourneur. Donc c’est en termes des millions de dollars que nous avons enregistré. Pour le fond covid-19 on est à 6 millions de dollars si je ne me trompes pas, dans la gratuité de l’enseignement on était à plus de 30 millions de dollars. On parlait de 62 milliards de francs congolais qui équivaut à 32 millions de dollars. Dans le dossier Bukanga Lonzo nous sommes à 300 millions de dollars sont 200 millions volatilisés. Donc nous sommes qu’en termes de millions de dollars. C’est donc un challenge entre les détourneurs. C’est comme une concurrence entre eux, donc il faut détourner des millions et millions de dollars et appauvrir le peuple congolais pour se sentir vraiment un véritable gestionnaire public.

24news agency : Que faites-vous alors de ces cas de détournement ?

Jules Alingete: Nous avons tout d’abord un objectif à l’inspection des Finances. Celui d’ inspirer la peur du gendarme. Parce que s’il faut faire le contrôle de toutes les institutions publiques et récupérer tout l’argent, je vous dit que ce serait terrible parce qu’il n’y a pas eu de respect de biens publics dans ce pays.

Toute personne qui accédait à des responsabilités publiques, la première des choses qui lui passait en tête était de s’enrichir. Ce qui fait qu’il y a des gens à peine nommés, une année après il est millionnaire. Donc tout a été fait de manière à ce que ce pays ne puisse pas aller de l’avant.
Notre premier objectif c’est de mettre fin à cette pratique,à cette mentalité et d’inspirer la peur de gendarme. C’est pourquoi, nous avons changé de méthode de travail à l’inspection Générale des Finances .
Nous pensons que contrôler et rendre compte au propriétaire des comptes publics qui est le peuple est une stratégie importante pour freiner l’impunité. Voilà pourquoi nous faisons le contrôle et faisons un effort pour les grands dossiers de la République ,faire une communication pour que la population sache ceux qui ont détourné l’argent et par la suite intéresser la justice afin qu’elle mette en place les mécanismes pour inquiéter les personnes concernées et pourquoi pas récupérer les fonds.

24news agency: expliquez-nous un peu quelles sont vos méthodes sur terrain?

Jules Alingete : vu les dégâts causés dans les entreprises publiques par les détournements, nous avions déclenché, sur instruction du Chef de l’État, une forme de contrôle que nous appelons la patrouille financière qui est un contrôle concomitant, c’est-à-dire à dire nous suivons les gestionnaires le jour au jour donc leur façon de travailler. Nous avons déployé les inspecteurs là où il y a des engins importants d’argent pour la République au niveau de la banque centrale, au niveau de certaines entreprises publiques, dans des régies financières et mêmes dans des provinces pour suivre au quotidien les actes de gestion et empêcher les détournements. Et ceci porte des fruits et nous pensons que c’est une méthode que nous devons garder pour longtemps dans les provinces et nous y resterons le plus longtemps possible pour donner le message de la bonne gouvernance à ceux qui sont commis à la gestion de la chose publique.

24news agency: Parmi les dossiers les plus en vue figure bien entendu celui de Bukanga Lonzo dans lequel est cité l’ancien premier ministre Matata Ponyo. Que répondez-vous à ceux qui estiment qu’il s’agit de l’acharnement ,abus et que vous utilisez le media pour faire peur ?

Jules Alingete: Ce sont des prédateurs,des voleurs, des fossoyeurs ,des bandits financiers qui répandent ce message. Pourquoi ? Parce qu’ils veulent voler dans le silence… Ils veulent voler et que nous puissions faire le contrôle dans le silence parce qu’ils ont des moyens importants pour étouffer les conclusions de nos missions.

Comment opèrent-ils ? Quand vous faites le contrôle ils vous approchent avec des tentatives de corruption, tentative de vous étouffer et quand ils échouent ils savent où vous allez envoyer le rapport pour aller jusque là pour étouffer les conclusions. Nous avons tout compris et le Chef de l’État nous a donné le feu-vert. Quand nous faisons le contrôle et constatons qu’il y a vraiment des abus graves de détournement ,nous rendons publiques les conclusions de nos missions évidemment sans citer nommément des personnes. Dans ce cas là ceux qui sont concernés s’agitent et il y en a même qui ont le culot de vous dire  » la grande muette’ comme si nous étions l’armée. Non, quand ils volent ils le font en silence, mais nous ne pouvons pas suivre leur stratégie de silence. Nous devons les dénoncer pour qu’ils arrêtent avec cette pratique qui met en mal la République.

24news agency: pensez-vous réellement que pour le cas de Matata Ponyo ce ne soit pas de l’acharnement de la part de l’IGF ?

Jules Alingete: il n’y a pas de l’acharnement pour qui que ce soit. Quand ils posent ces actes de prédation, ils ne mesurent pas l’acharnement qu’ils sont en train de faire sur une population misérable. Vous imaginez quand on vous donne de l’argent pour frais de route par exemple et vous prenez cet argent et vous le mettez dans votre poche, vous prenez cet argent pour votre famille, vous ne voyez pas le dégât que vous causez. Regardez la ville de Kinshasa c’est plein d’ embouteillages , le Fond National d’entretien de Route(FONER) débourse chaque année 60 à 70 millions de dollars pour les routes. Et ceci équivaut à environ 70 kilomètres des routes qu’on peut réaliser. Cet argent disparaît en catimini et quand ils detournent, ils veulent que nous puissions suivre leurs méthodes. Nous ne suivrons pas leur méthode, quand ils volent en catimini, ils veulent donner l’impression d’être de bons gestionnaires, de bons travailleurs mais nous adoptons la méthode contraire. Nous disons à la population attention, ce sont des voleurs. Donc ce n’est pas de l’acharnement, ils ont géré l’argent de la République et nous constatons qu’ils ont volé l’argent de la République et nous ne disons que la vérité. On n’ a aucun problème avec qui que ce soit. L’IGF suit les personnes qui ont géré les fonds publics. Si vous n’avez pas géré les fonds publics vous n’aurez pas de problème avec l’IGF et si vous avez gérez les fonds publics et vous l’avez bien géré, vous n’aurez pas non plus de problème avec l’IGF. Ce sont eux qui veulent faire croire à la population qu’il s’agit de l’acharnement. Vous savez, la classe politique congolaise, excusez-moi de vous le dire, c’est au fait l’expression de ma médiocrité. Vous direz peut-être que je suis dur, mais je dois vous le dire. Voler c’est normal pour elle et quand vous commencez à contrôler, vous constatez les faits de détournement ils veulent en faire un problème politique comme si voler pour un homme politique c’est un fait politique mais voler pour le petit peuple relève du droit commun. Le vol reste le vol que ce soit opéré par un homme politique, un opérateur économique ou petit peuple ça reste un vol et avec les mêmes conséquences.

Nous ne poursuivons pas les gens selon leurs couleurs politiques nous ne faisons pas de l’acharnement. Vous aviez gérez l’argent de la République nous vérifions ce que vous en avez fait et nous tirons des conséquences.

24news agency : Comment vous sentez-vous face à des situations où les présumés détourneurs sont couverts des immunités ?

Jules Alingete : la colère, c’est tout simplement la colère parce que, on ne peut pas utiliser les immunités pour rendre la misère à la population. Les immunités sont là pour permettre aux politiciens de ne pas être poursuivis pour des positions qu’ils sont en train de prendre et non pour ne pas être poursuivis pour des faits politiques. On ne peut pas utiliser les immunités quand vous volez l’argent de l’État. Il y a encore une contradiction, ce sont ces personnes qui ont détourné qui sont au Parlement, au Sénat et ils ne sont pas à l’aise là où ils sont et cherchent à gérer encore les choses publiques, aller dans des entreprises ou au gouvernement pour gérer encore. Vous voulez les immunités, restez au Parlement au Sénat et faites le travail politique avec vos immunités. Vous avez les immunités vous cherchez à être ministre, DG, DGA,PCA pour aller perpétrer vos actes de prédation et par la suite brandir les immunités. Non, ce n’est pas normal. Si nous suivons cette situation, nous risquons d’instituer une justice à double vitesse. Ainsi nous serons à mesure de poursuivre que des personnes qui ont détourné 100, 500,800 mille dollars et nous serons incapables de poursuivre ceux qui ont détourné des millions parce qu’ils sont couvertes des immunités, et ce n’est pas normal. Pour moi c’est la récolte et c’est pourquoi nous sommes en train de communiquer pour alerter la population pour leur dire  » il faut faire attention aux personnes que vous êtes en train d’élire.
Ce sont ces personnes qui sont à la base de votre misère, elles viennent vers vous et par la suite commettent des actes qui sont nuisibles à l’avenir de tout un pays.

24news agency: Quel est l’impact financier de la patrouille financière que vous avez déjà menée ?

Jules Alingete : l’impact de la patrouille financière que nous menons, je vais dire d’abord au niveau des entreprises du portefeuille de l’État, le travail donne des résultats. Notre mission est d’empêcher le détournement et que les fonds disponibles au sein de ces entreprises puissent être alloués à des objectifs nobles notamment le renouvellement des outils de production, le payement des salaires des employés. Et nous constatons dans beaucoup d’entreprises qu’on est en train d’apurer les salaires , nous avons mis fin à toutes formes des magouilles qui existaient et ceci donne des résultats .
Nous constatons le grincement des dents des gestionnaires publics. Quand ils grincent les dents nous sommes contents, nous savons que nous atteignons les cibles. Quand ils gesticulent nous réalisons que nous sommes en train d’avancer. Nous remercions le Chef de l’État, lui qui est l’artisan principal du bon travail de l’inspection Générale des Finances.

24news agency : Au regard de la complexité de votre mission, vous sentez-vous en sécurité ?

Jules Alingete : Madame, la sécurité c’est tout d’abord l’Éternel. Ça c’est vrai, c’est d’abord Dieu qui protège et en deuxième lieu, vous-même. Le Chef de l’État a tout fait pour nous sécuriser mais cela ne suffit pas, nous prenons beaucoup de précautions dans le travail que nous sommes en train de faire. Mais pour ceux là qui montent des coups tous les jours contre notre personne avec des vidéos, des audios, ceux là qui veulent ententer à notre vie ,je leur demande ,qui ne mourra pas? Je pense que le plus important ce n’est pas avoir peur de la mort.C’est le chemin de tout le monde. Si je ne meurs pas aujourd’hui je mourai demain, eux aussi mourront. Ce qui m’importe aujourd’hui c’est de faire le travail dans l’intérêt de mon pays. Je suis révolté contre la misère que je vois à Kisangani, à Mangobo, à Kamalondo partout dans la République .
La misère est consécutive au détournement de deniers publics que les gestionnaires publics sont en train de nous imposer. Voilà ce qui nous révolte et pourquoi nous devons bien faire ce travail pour mettre fin à l’impunité et permettre à ce qu’il y ait une bonne gouvernance de la chose publique. Nous n’avons pas peur des menaces, nous n’avons pas peur de ce qu’ils peuvent faire, nous sommes serein et nous devons faire ce travail avec plus de détermination possible.

Sarah Kayeye

By 24news

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