Kinshasa, le 21 août 2020

Transmis-copie pour information à :

-Madame l’Honorable Présidente de l’Assemblée Nationale ;

-Monsieur l’Honorable Président du Sénat ;

-Son Excellence Monsieur le Premier Ministre, Chef du Gouvernement;

(Avec l’expression de ma Très Haute considération);

Tous à Kinshasa.

N/Réf.: V/Réf.:
TN/A/NKNM/JUP/JC/RDC/568/20

A Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Magistrat Suprême
Palais de la Nation
A Kinshasa/Gombe

(Avec l’expression de mes hommages les plus déférents)

Excellence Monsieur le Président de la République,

Concerne :
L’obligation constitutionnelle, légale et règlementaire, qui vous incombe, de rapporter l’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle et l’Ordonnance d’organisation judiciaire n° 20/108 du 17 juillet 2020 portant nomination des Magistrats civils du siège : Cour de cassation, pour violation intentionnelle de la Constitution et des dispositions légales et règlementaires applicables à l’espèce

Pour Messieurs les Honorables Juges à la Cour constitutionnelle, Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU

J’ai l’honneur de vous adresser la présente lettre, aux noms des Juges à la Cour constitutionnelle, bien identifiés sous rubrique, qui m’ont constitué Conseil et m’ont mandaté pour poser tous les actes de ma profession, dont celui consistant à vous saisir, pour vous prier de bien vouloir rapporter l’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle et l’Ordonnance d’organisation judiciaire n° 20/108 du 17 juillet 2020 portant nomination des Magistrats civils du siège : Cour de cassation, pour violation intentionnelle, manifeste, des dispositions constitutionnelles, légales et règlementaires, applicables aux faits de l’espèce.

Permettez- moi de considérer, d’abord, les faits, les actes et rétroactes y relatifs, et de discuter, ensuite, du droit, gravement, violé par les Ordonnances sus-vantées:

I. FAITS, ACTES ET RETROACTES

Lors du référendum organisé du 18 au 19 décembre 2005, le peuple congolais a approuvé la Constitution proposée par le Sénat et adoptée par l’Assemblée nationale. Ladite Constitution, promulguée le 18 février 2006, a été modifiée par la Loi n° 11/002 du 20 janvier 2011 portant révision de certains articles de la Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006.

Dans son appendice, la Constitution modifiée reprend l’exposé des motifs de la Constitution du 18 février 2006. Aux termes dudit exposé des motifs, parmi les lignes maîtresses caractérisant la Constitution, il y a lieu de souligner les idées forces ci-après : La réaffirmation, par le constituant, de « l’attachement de la République Démocratique du Congo aux Droits humains et aux libertés fondamentales tels que proclamés par les instruments juridiques internationaux auxquels elle a adhéré. Aussi, a-t-il intégré ces droits et libertés dans le corps même de la Constitution ». Sur ce fondement, l’organisation et l’exercice du pouvoir a pour objectifs :
« 1.​assurer le fonctionnement harmonieux des Institutions de l’Etat ;
2.​éviter les conflits ;
3.​instaurer un Etat de droit ;
4.​contrer toute tentative de dérive dictatoriale ;
5.​garantir la bonne gouvernance ;
6.​lutter contre l’impunité ;
7.​assurer l’alternance démocratique ».

Dans cette optique, le Président de la République, « exerce ses prérogatives de garant de la Constitution, de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale, de la souveraineté nationale, du respect des accords et traités internationaux ainsi que celles de régulateur et d’arbitre du fonctionnement normal des Institutions de la République avec l’implication du Gouvernement sous le contrôle du Parlement. Les actes réglementaires qu’il signe dans les matières relevant du Gouvernement ou sous gestion ministérielle sont couverts par le contreseing du Premier ministre qui en endosse la responsabilité devant l’Assemblée nationale. Cependant, le Gouvernement, sous l’impulsion du Premier ministre, demeure le maître de la conduite de la politique de la Nation qu’il définit en concertation avec le Président de la République ». « Réunis en Congrès, l’Assemblée nationale et le Sénat ont la compétence de déférer le Président de la République et le Premier ministre devant la Cour constitutionnelle, notamment, pour haute trahison et délit d’initié ».

Aux termes des dispositions de l’article 157 de la Constitution du 18 févier 2006, telle que modifiée, le constituant congolais dit avoir institué une Cour constitutionnelle.

Immédiatement après, le même constituant annonce que ladite cour sera animée, non par des Magistrats, mais par des «Membres », au nombre de neuf, aux termes des dispositions de l’article 158, alinéa 1 de la Constitution, libellées comme suit : « La Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le Président de la République dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature ».

Ces «Membres» de la Cour constitutionnelle portent le titre de «Juges à la Cour constitutionnelle», aux termes des dispositions de l’article 2 de l’Ordonnance n° 16-070 du 22 août 2016 portant dispositions relatives au statut particulier des membres de la Cour constitutionnelle, selon lesquelles « Sont membres de la Cour constitutionnelle, les neuf personnes nommées conformément aux articles 158 et 159 de la Constitution, ainsi qu’aux articles 2 à 8 de la loi organique n°13-026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Ils portent le titre de « Juges à la Cour constitutionnelle ». De même, aux termes des dispositions de l’article 3 du Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle, publié au numéro spécial du Journal Officiel de la RDC du 16 novembre 2018, « La Cour constitutionnelle est composée de 9 membres nommés par le Président de la République pour un mandat de neuf ans non renouvelable. Ils sont appelés « Juges à la Cour constitutionnelle » et signent à ce titre les décisions rendues. Le mandat prend effet à compter de la prestation de serment ».

Cette singularité des Juges à la Cour constitutionnelle, qui ressort de ces dispositions, ne se limite pas qu’au titre particulier qui leur est conféré, mais concerne aussi le mode de leur nomination, de leur remplacement, éventuel, et de fin de leur mandat.

En effet, alors que les Magistrats (aussi bien du siège que du parquet) sont nommés, relevés de leurs fonctions et, le cas échéant, révoqués, par le Président de la République, agissant par Ordonnance, contresignée par le Premier Ministre, aux termes des dispositions de l’article 82 de la Constitution, les Membres de la Cour, au nombre de neuf, sont, aux termes des dispositions de l’article 158 de la Constitution, nommés par le Président de la République, dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature. Leur mandat est de neuf ans non renouvelable. Tous les trois ans, il est procédé à un tirage au sort d’un membre par groupe.

En violation de ces dispositions, par l’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle, deux membres du même Groupe ont été remplacés, savoir les Juges à la Cour constitutionnelle Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU.

Pourtant, par son Ordonnance n° 16-070 du 22 août 2016 portant dispositions relatives au statut particulier des membres de la Cour constitutionnelle, le Président de la République, que vous êtes, a décidé, sur le fondement des dispositions de l’article 9 de cette Ordonnance, que le Mandat des Juges à la Cour constitutionnelle, en l’occurrence, celui des Juges à la Cour constitutionnelle, Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU, ne pourrait prendre fin qu’à l’expiration de leur mandat, par démission volontaire ou d’office, par révocation ou par décès. Ils ont un mandat de 9 ans.

Le Juge Noël KILOMBA NGOZI MALA a été nommé, avec huit autres Membres à la Cour constitutionnelle, par l’Ordonnance n° 14/021 du 07 juillet 2014. Le 31 mars 2015, par l’Ordonnance n°15/ 022, le Président de la République a nommé Monsieur MAVUNGU Membre de la Cour constitutionnelle, en remplacement de Monsieur LUZOLO, nommé Conseiller spécial du Chef de l’Etat. Il échet de relever que le mandat de Monsieur LUZOLO ne courait pas encore. Effectivement, il n’avait jamais prêté le serment à dater duquel commence à courir le mandat de neuf ans du Juge à la Cour constitutionnelle.

Conformément aux dispositions des articles 31 et 34 de la Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, le membre de la Cour qui se trouve dans un des cas d’incompatibilité visés à l’article 31 de la Loi organique, tels que la qualité de membre du Gouvernement, l’exercice de tout mandat électif, l’exercice de tout emploi public, la qualité de mandataire public et l’appartenance à un parti politique, un regroupement politique ou un syndicat, lève l’option, dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de sa nomination. A défaut, il est réputé avoir renoncé à ses fonctions de membre de la Cour. Sur cette base, le Juge à la Cour constitutionnelle Noël KILOMBA NGOZI MALA, après avoir été notifié de sa nomination, avait destiné une lettre d’option au Premier Président de la Cour Suprême de Justice, alors Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, avec copie pour information à Monsieur le Président de la République, et une autre au Secrétaire Exécutif de la Conférence Internationale dans la Région des Grands Lacs où il avait un mandat de quatre ans comme Membre du Comité régional sur la prévention du génocide et des crimes de guerre dans la Région des Grands Lacs. Il a, par conséquent, perdu sa qualité de Membre du Conseil Supérieur de la Magistrature et n’a plus eu droit à la rémunération en tant que Magistrat.

Le 04 avril 2014, avec ses huit autres collègues, le Juge à la Cour constitutionnelle Noël KILOMBA NGOZI MALA a prêté le serment à partir duquel son mandat de neuf ans a commencé à courir. Ledit serment est prévu par les dispositions de l’article 10, alinéa 2 de la Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle. Il sied de préciser que le cadre de cet exercice est défini par l’alinéa 1 de l’article 10 de la Loi Organique susvisée. Ainsi avant d’entrer en fonction, le membre de la Cour constitutionnelle, Noël KILOMBA NGOZI MALA, avec ses pairs, a été présenté à la Nation, devant le Président de la République, l’Assemblée Nationale, dûment convoquée, le Sénat, dûment convoqué, également, et le Conseil Supérieur de la Magistrature, représenté par son Bureau.

Le 11 avril 2015, les Membres de la Cour constitutionnelle ont élu le Président de la Cour constitutionnelle, conformément aux dispositions de l’article 9 de la Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle. Aux termes de l’Ordonnance n° 15/024 du 11 avril 2015, le Président la République a investi le Juge à la Cour constitutionnelle élu en qualité de Président de la Cour constitutionnelle.

Le 30 avril 2015, la Cour constitutionnelle a adopté son Règlement intérieur. Le Règlement intérieur actuellement en vigueur a été publié au Journal Officiel de la République Démocratique du Congo, numéro spécial du 16 novembre 2018.

Conformément aux dispositions des articles 158, alinéa 4 de la Constitution, 6 alinéa 2 et 116 de la Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, le 09 avril 2018 devait intervenir le premier renouvellement de la Cour constitutionnelle par tirage au sort. A la veille du tirage, le dimanche 08 avril, le mandat du Juge à la Cour constitutionnelle Yvon KALONDA KELE OMA a expiré à la suite de son décès. Dès lors, le tirage au sort dans le groupe de trois Juges nommés par le Président de la République sur sa propre initiative n’avait plus lieu d’être. Le 09 avril 2018, jour du tirage, le décès du Juge KALONDA fut constaté par le Greffier en Chef. Tous les Membres de la Cour étaient présents, à l’exception du Juge Félix VUNDUAWE TE PEMAKO, qui était absent. Le juge BANYAKU LUAPE EPOTU a annoncé sa démission volontaire pour une raison de convenance personnelle. Le tirage au sort dans son groupe, celui de trois Juges désignés par le Parlement réuni en Congrès, n’était plus nécessaire. A son tour, le Juge Jean-Louis ESAMBO KANGASHE a annoncé sa démission pour une raison de convenance personnelle. Le tirage au sort dans son groupe, celui de trois Juges désignés par le Conseil supérieur de la magistrature n’était pas, non plus, nécessaire.

Le tirage au sort clôturé, Messieurs Norbert NKULU KILOMBO MITUMBA, Jean UBULU PUNGU et François BOKONA WIPA BONZALI ont été nommés par l’Ordonnance n° 18/038 du 14 mai 2018 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle, en remplacement, respectivement, des Juges KALONDA, ESAMBO et BANYAKU. Les nouveaux Juges à la Cour constitutionnelle ont été présentés à la Nation, devant les deux Chambres réunies du Parlement, au Palais du peuple, devant le Président de la République, en présence du Bureau du Conseil Supérieur de la Magistrature. Ils ont prêté le serment prévu par les dispositions de l’article 10 de la Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.

Par sa lettre datée du 14 juin 2018, adressée à Monsieur le Président de la Cour constitutionnelle, Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, le Juge à la Cour constitutionnelle Jean UBULU PUNGU avait levé l’option, comme de droit, d’exercer pleinement ses fonctions de Juge à la Cour constitutionnelle.

Alors que le prochain tirage au sort, pour le renouvellement tertiaire de la Cour constitutionnelle, en raison d’un membre par groupe de trois, est prévu entre le 04 et le 09 avril 2021, les Honorables Juges à la Cour constitutionnelle, Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU ont été surpris par leur nomination en qualité de Présidents de la Cour de cassation par l’Ordonnance d’organisation judiciaire n° 20/108 du 17 juillet 2020 portant nomination des Magistrats civils du siège : Cour de cassation, Ordonnance qui porte le contreseing du Vice-Premier Ministre, Ministre de l’intérieur, sécurité et affaire coutumière, « Pour le Premier Ministre » et par leur remplacement immédiat par trois nouveaux juges nommés par l’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle, Ordonnance qui porte, également, le contreseing du Vice-Premier Ministre, Ministre de l’intérieur, sécurité et affaire coutumière, « Pour le Premier Ministre ».

Par une déclaration signée le 21 juillet 2020, par son Directeur de la communication et porte-parole, Albert LIEKE MILAY, le Premier Ministre a porté à la connaissance de l’opinion publique qu’il a effectué une mission à Lubumbashi, du 16 au 19 juillet 2020, sur instruction de Son Excellence Monsieur le Président de la République. A cet effet, le Premier Ministre a révélé avoir conféré, par sa lettre du 16 juillet 2020, un intérim à la portée limitée au Vice-Premier Ministre, Ministre de l’intérieur, sécurité et affaire coutumière, qui n’incluait pas le contreseing.

En effet, selon le Premier Ministre, « Le contreseing est un acte de très haute portée politique et juridique qui relève de la compétence exclusive attachée à la qualité de Premier Ministre et qui ne peut se concevoir dans le cadre de l’intérim tel que circonscrit dans la lettre qui l’a conféré au Vice-Premier Ministre, Ministre de l’intérieur, sécurité et affaire coutumière. S’agissant d’un Gouvernement de coalition, le contreseing du Premier Ministre constitue, au-delà de sa nature juridique, le gage des équilibres des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier Ministre qui est l’émanation de l’Assemblée Nationale ».

Le 22 juillet 2020, le Porte-Parole du Premier Ministre a été invité à l’Agence Nationale des Renseignements (ANR), pour un « Entretien ».

Le 24 juillet 2020, par sa Décision n° 010/CC/CAB.PRES/07/2020, le Président intérimaire de la Cour constitutionnelle a nommé des membres des Cabinets, des personnalités qui ont été nommées Juges : KALUBA DIBWA Dieudonné, KALUME ASENGO CHEUSI Alphonsine et KAMULETE BADIBANGA Dieudonné. Pourtant, aux termes des dispositions de l’article 3, dernier alinéa, du Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle, le mandat d’un juge nommé ne prend effet qu’à compter de la prestation de serment et il n’entre en fonction qu’après avoir prêté serment dans les conditions et les formes prévues par les dispositions de l’article 10 de la Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle.

Bien plus, alors qu’ils ont exercé leur mandat jusqu’à leur nomination, légitimement contestée, les Honorables Juges à la Cour constitutionnelle, Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU, ont été privés de leur salaire du mois de juillet 2020.
Pourtant, par votre Ordonnance n° 16-070 du 22 août 2016 portant dispositions relatives au statut particulier des membres de la Cour constitutionnelle, vous aviez décidé que « Durant les deux ans qui suivent la fin de leur mandat à la Cour constitutionnelle, les membres de celle-ci bénéficient des droits et avantages dus en cette qualité, tant qu’ils n’ont pas accédé à un mandat électif, conformément à l’article 32 de la loi organique 13-026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour ».

Dès lors, par leur lettre du 27 juillet 2020, portant les numéros 89/CC/CAB/-JUG-KIL et 001/CC/CAB-JUG-UP, les Honorables Juges à la Cour constitutionnelle, Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU ont sollicité de votre Très Haute autorité le maintien de leurs mandats respectifs à la Cour constitutionnelle, sur le fondement des dispositions constitutionnelles, légales et règlementaires applicables in specie casu.

II. VIOLATION INTENTIONNELLE DE LA CONSTITUTION ET DES DISPOSITIONS LEGALES ET REGLEMENTAIRES A TRAVERS L’ORDONNANCE N° 20/116 DU 17 JUILLET 2020 PORTANT NOMINATION DES MEMBRES DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE ET L’ORDONNANCE D’ORGANISATION JUDICIAIRE N° 20/108 DU 17 JUILLET 2020 PORTANT NOMINATION DES MAGISTRATS CIVILS DU SIEGE : COUR DE CASSATION

La volonté commune de bâtir, au cœur de l’Afrique, un Etat de droit, et une Nation puissante et prospère, fondée sur une véritable démocratie politique, économique, sociale et culturelle est au cœur de la Constitution congolaise, approuvée par référendum par le peuple congolais, affirme le constituant congolais. Aussi, la République Démocratique du Congo, dans ses frontières du 30 juin 1960, se veut-elle être un Etat de droit, indépendant, souverain, uni et indivisible, social, démocratique et laïc. Dès lors, l’une des préoccupations majeures qui président à l’organisation de ses Institutions, que sont, le Président de la République, le Parlement, le Gouvernement et les Cours et Tribunaux est d’instaurer un Etat de droit, selon le vœu du constituant. L’Etat de droit s’oppose à l’injustice avec ses corollaires, l’impunité, le népotisme, le régionalisme, le tribalisme, le clanisme et le clientélisme.

Excellence Monsieur le Président de la République,

Candidat Président de la République à l’élection présidentielle de décembre 2018, j’ai saisi la Cour constitutionnelle en contestation de la régularité des résultats de l’élection présidentielle sous RCE 002/PR.CR. J’ai sollicité de ladite Cour qu’elle annule, notamment, les résultats provisoires de l’élection présidentielle du 30 décembre 2018. La composition de la Cour constitutionnelle, qui a siégé sous la présidence du Juge Noël KILOMBA NGOZI MALA a décidé de confirmer les résultats irréguliers, en déclarant ma requête irrecevable, sans en avoir examiné le fond.

Déclaré élu, vous avez prêté serment devant la Cour constitutionnelle, à l’audience publique à laquelle ont siégé, notamment, les Honorables Juges à la Cour constitutionnelle Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU.

Ainsi, avant d’entrer en fonction, vous avez prêté le serment suivant, devant la Cour Constitutionnelle:
« Moi Félix Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, élu Président de la République Démocratique du Congo, je jure solennellement devant Dieu et la nation :
-​d’observer et de défendre la Constitution et les lois de la République ;
-​de maintenir son indépendance et l’intégrité de son territoire ;
-​de sauvegarder l’unité nationale ;
-​de ne me laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine ;
-​de consacrer toutes mes forces à la promotion du bien commun et de la paix ;
-​de remplir loyalement et en fidèle serviteur du peuple les hautes fonctions qui me sont confiées. ».

Le constituant congolais ayant déclaré que la République démocratique du Congo est un Etat de droit, vous avez pris l’engagement de faire effectivement de notre pays un Etat de droit.

Excellence Monsieur le Président de la République,

Comme vous le savez, les éléments constitutifs de l’Etat de droit sont, la légalité, la démocratie et les droits de l’homme.

Paradoxalement, c’est en violation manifeste de cet Etat de droit, que les Ordonnances mises en cause procèdent au renouvellement de la Cour constitutionnelle, celle-là même à laquelle le constituant congolais a confié la mission de veiller au respect de l’Etat de droit, étant la plus haute juridiction du pays, établie constitutionnellement gardienne de la Constitution. C’est pourquoi les Juges à la Cour constitutionnelle ne sont pas des magistrats, soumis au Statut des magistrats. Ceux qui l’étaient avant leur nomination, lèvent l’option de rester Juges à la Cour constitutionnelle, rémunérés en tant que tels deux ans durant après la fin de leur mandat avec interdiction, pendant ce temps, d’exercer, notamment, la fonction de Magistrat. Le processus de leur nomination et de la fin de leur mandat, voire de leur rémunération font l’objet d’un statut particulier. Ce Statut ressort des dispositions constitutionnelles, légales et règlementaires ci-après :

DISPOSITIONS CONSTITUTIONNELLES
Article 158

« La Cour constitutionnelle comprend neuf membres nommés par le Président de la République dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature. Les deux tiers des membres de la Cour Constitutionnelle doivent être des juristes provenant de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire. Le mandat des membres de la Cour constitutionnelle est de neuf ans non renouvelable. La Cour constitutionnelle est renouvelée par tiers tous les trois ans. Toutefois, lors de chaque renouvellement, il sera procédé au tirage au sort d’un membre par groupe ».

LOI ORGANIQUE N°13/026 DU 15 OCTOBRE 2013 PORTANT ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Article 2
« La Cour Constitutionnelle, ci-après la Cour, comprend neuf membres nommés par le Président de la République, dont trois sur sa propre initiative, trois désignés par le Parlement réuni en Congrès et trois autres par le Conseil Supérieur de la Magistrature. Il ne peut y avoir ni deux membres parents ou alliés jusqu’au troisième degré inclusivement ni plus d’un membre issus d’une même Province. Les procès-verbaux constatant la désignation des membres de la Cour autres que ceux désignés par le Président de la République sont transmis à ce dernier dans les quarante-huit heures aux fins de leur nomination.
Article 3
Nul ne peut être nommé membre de la Cour :
1. s’il n’est Congolais ;
2. s’il ne justifie d’une expérience éprouvée de quinze ans dans le domaine juridique ou politique.
Article 4
Est nulle de plein droit toute nomination intervenue en violation des articles 2 et 3 de la présente Loi organique.

Article 5
« Six des neuf membres de la Cour doivent être des juristes issus de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire. Dans le but d’assurer le respect des proportions fixées à l’alinéa précédent, deux membres désignés par le Président de la République et un membre désigné par le Parlement doivent être issus du barreau ou de l’enseignement universitaire. Les trois membres désignés par le Conseil Supérieur de la Magistrature sont exclusivement choisis parmi les magistrats en activité ».

Article 6
Le mandat des membres de la Cour est de neuf ans. Il n’est pas renouvelable.
La Cour est renouvelée par le tiers tous les trois ans. Lors des deux premiers renouvellements, il est procédé au tirage au sort du membre sortant par groupe pour les membres initialement nommés.

Article 7

Il est pourvu au remplacement de tous membres de la Cour un mois au plus tôt ou une semaine au plus tard avant l’expiration du mandat dans les conditions prévues aux articles 2 à 6 de la présente Loi organique.

Article 8

Le membre de la Cour nommé en remplacement de celui dont les fonctions ont pris fin avant terme achève le mandat de ce dernier. Il peut être nommé pour un autre mandat s’il a exercé les fonctions de remplacement pendant moins de trois ans.
Article 10

Avant d’entrer en fonction, les membres de la Cour sont présentés à la Nation, devant le Président de la République, l’Assemblée Nationale, le Sénat et le Conseil Supérieur de la Magistrature représenté par son Bureau. Ils prêtent devant le Président de la République le serment suivant :
« Moi, …, Je jure solennellement de remplir loyalement et fidèlement les fonctions de membre de la Cour Constitutionnelle de la République Démocratique du Congo, de les exercer en toute impartialité, dans le respect de la Constitution, de garder le secret des délibérations et des votes, de ne prendre aucune position publique, de ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence de la Cour Constitutionnelle et de n’entreprendre aucune activité mettant en cause l’indépendance, l’impartialité et la dignité de la Cour ».
Le Président de la République leur en donne acte.

Article 11

Les membres de la Cour sont régis par un statut particulier.

Article 28

Tout membre de la Cour peut librement démissionner. A cette fin, il adresse une lettre à la Cour qui en apprécie l’opportunité.

Le Président de la Cour en informe le Président de la République, l’Assemblée Nationale, le Sénat et le Conseil Supérieur de la Magistrature.

Il est pourvu au remplacement du membre démissionnaire conformément aux dispositions des articles 2 à 8 de la présente Loi organique.

Article 31
Les fonctions de membre de la Cour ou du Parquet Général et celles de Conseiller référendaire sont incompatibles avec :
1. la qualité de membre du Gouvernement ;
2. l’exercice de tout mandat électif ;
3. l’exercice de tout emploi public ;
4. la qualité de mandataire public ;
5. l’appartenance à un parti politique, un regroupement politique ou un syndicat.
Toutefois, l’exercice de ces fonctions n’est pas incompatible avec la qualité d’enseignant dans un établissement d’enseignement supérieur ou universitaire.

Article 32
Aucun membre de la Cour ne peut être nommé à une des fonctions visées aux points 1, 3 et 4 de l’article 31 de la présente Loi organique, dans les deux ans suivant l’expiration de son mandat.

Article 34
Tout membre de la Cour ou du Parquet Général, tout Conseiller référendaire qui se trouve dans l’un des cas d’incompatibilité visés à l’article 31 de la présente Loi organique lève l’option, dans un délai de huit jours à compter de la date de notification de sa nomination. A défaut, il est réputé avoir renoncé à ses fonctions de membre de la Cour, du Parquet Général ou de Conseiller référendaire.

Dans ce cas, il est fait application de la procédure prévue à l’article 35 de la présente Loi organique.

Article 35

La Cour constate, le cas échéant, la démission d’office de l’une des personnes visées à la présente section qui aurait exercé une activité ou accepté une fonction incompatible avec sa qualité ou qui n’aurait pas la jouissance de droits civils et politiques. La démission d’office s’applique également en cas de perte des droits civils et politiques, d’empêchement définitif par suite d’incapacité physique ou mentale ou toute condamnation irrévocable pour infraction intentionnelle.
Article 36
Le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale, le Président du Sénat, le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, le dixième des Députés nationaux ou des Sénateurs peut saisir la Cour aux fins de constater les cas évoqués à l’article précédent.

Article 37
Il est pourvu au remplacement du membre de la Cour concerné dans les conditions prévues aux articles 2 à 8 de la présente Loi organique.

ORDONNANCE N° 16-070 DU 22 AOUT 2016 PORTANT DISPOSITIONS RELATIVES AU STATUT PARTICULIER DES MEMBRES DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Article 2
« Sont membres de la Cour constitutionnelle, les neuf personnes nommées conformément aux articles 158 et 159 de la Constitution, ainsi qu’aux articles 2 à 8 de la loi organique 13-026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Ils portent le titre de « Juges à la Cour constitutionnelle ».

Article 6
« Les juges à la Cour constitutionnelle sont nommés conformément aux articles 158 et 159 de la Constitution, ainsi qu’aux articles 2 à 8 de la loi organique 13-026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Durant leur mandat, ils ne peuvent être nommés aux fonctions incompatibles prévues à l’article 31 de la loi organique. L’alinéa 2 de l’article 6 ci-dessus leur est applicable ».

Article 9.
« Les fonctions de membre de la Cour constitutionnelle ou du Parquet général près cette Cour prennent fin par:
-​expiration du mandat;
-​démission volontaire ou d’office;
-​révocation;
– décès ».

Article 10
« Tout membre de la Cour constitutionnelle désireux de mettre volontairement fin à ses fonctions conformément à l’article 28 de la loi organique adresse une lettre de démission au président de la Cour, avec copies aux autres membres de celle-ci. La Cour en apprécie l’opportunité ».
Article 13
« Les membres de la Cour constitutionnelle, ceux du Parquet général près cette Cour et les conseillers référendaires ont droit à un traitement, à des indemnités et autres avantages conséquents qui assurent leur indépendance et leur dignité. Ceux-ci sont prévus dans la loi de finances publiques ».

Article 14
« Dans l’exercice de leurs fonctions, les membres de la Cour constitutionnelle et ceux du Parquet général près cette Cour bénéficient d’un traitement hors échelon. Celui-ci est fixé dans le barème en annexe à la présente ordonnance ».

Article 15
« Durant les deux ans qui suivent la fin de leur mandat à la Cour constitutionnelle, les membres de celle-ci bénéficient des droits et avantages dus en cette qualité, tant qu’ils n’ont pas accédé à un mandat électif, conformément à l’article 32 de la loi organique 13-026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour ».

REGLEMENT INTERIEUR DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

Article 3:
La Cour constitutionnelle est composée de neuf membres nommés par le Président de la République pour un mandat de neuf ans, non renouvelable.
Ils sont appelés « Juge à la Cour constitutionnelle » et signent à ce titre les décisions rendues.
Le mandat prend effet à compter de la prestation de serment.

L’analyse de l’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle, à la lumière des dispositions constitutionnelles, légales et réglementaires suscitées, révèle que celle-ci se fonde, notamment, dans les dispositions de l’article 158 de la Constitution. Celles-ci consacrent, constitutionnellement, le mode de désignation des membres de la Cour constitutionnelle, la durée de leur mandat, le renouvellement de leur mandat ainsi que l’élection du Président de la Cour.

Dans le cas sous examen, la Cour constitutionnelle a été constituée le 07 juillet 2014. En vertu de la Constitution, le Président de la République a l’obligation d’attendre le tirage au sort qui devra intervenir au début du mois d’avril 2021, consécutivement au tirage au sort intervenu le 09 avril 2018. A la suite de la démission supposée du Président de la Cour, qui a été démentie par ce dernier, le Président de la République n’a constitutionnellement le pouvoir de ne nommer qu’un seul membre de sa propre initiative, car le Président de la Cour prétendument démissionnaire est issu du groupe de trois juges nommés à l’initiative du Président de la République.

Ainsi, tout en reconnaissant la pertinence des dispositions de l’article 158 de la Constitution, dans son visa, l’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle les viole dans son dispositif, car en l’absence du tirage au sort prévu à l’alinéa 4 pour le renouvellement tertiaire (par 1/3, par groupe) de la Cour après trois ans, le Président de la République a intentionnellement violé la constitution en nommant deux nouveaux Juges, savoir: Madame KALUME ASENGO TCHEUSI et Monsieur KAMULETE BADIBANGA, en remplacement des Juges Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU, dont les mandats continuent à courir, au lieu de nommer un seul Juge pour remplacer le Président prétendument démissionnaire, ce dernier faisant partie du même groupe de trois juges que le Président de la République nomme sur sa propre initiative.

La même Ordonnance fait référence aux dispositions des articles 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 28 de la Loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle pour justifier le renouvellement de la Cour constitutionnelle auquel le Président de la République vient de procéder en violation de la Constitution. Il échet de rappeler que le premier renouvellement de la Cour avait eu lieu le 09 avril 2018 et donc dans la situation actuelle, la Cour attend son renouvellement tertiaire au début du mois d’avril 2021. Il en résulte qu’en dehors du pouvoir de combler le vide causé par la démission supposée du Président de la Cour, le Président de la République n’a aucun pouvoir de remplacer deux membres d’un même groupe, savoir, le groupe des Juges issus du Conseil supérieur de la magistrature.

En l’ayant fait, le Président de la République, en plus de la commission, par lui, de l’infraction de haute trahison, pour avoir violé intentionnellement la Constitution, a nommé Madame KALUME ASENGO TCHEUSI et Monsieur KAMULETE BADIBANGA, en remplacement des Juges Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU, dont les mandats continuent à courir, en violation des dispositions de l’article 2, alinéa 1 de la Loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle. Une telle violation est sanctionnée par les dispositions de l’article 4 de la même Loi Organique, aux termes desquels «Est nulle de plein droit toute nomination intervenue en violation des articles 2 et 3 de la présente Loi organique ».

Par ailleurs, s’il est, éventuellement, établi que, parmi les trois juges nommés, deux sont originaires du même terroir, savoir la Province du Lomami, le territoire de Ngandajika, pour cette raison, en plus de la première, qui a déjà rendu nulle de plein droit la nomination, le 17 juillet 2020, des juges à la Cour constitutionnelle, ladite nomination sera également dite nulle de plein droit, le législateur ayant interdit la nomination de plus d’un membre issu d’une même province.

Il y a lieu de relever aussi que l’Ordonnance sous examen s’est fondée également sur les dispositions de l’article 6 de la Loi Organique sus-référencée, pour justifier le remplacement des Juges Noël KILOMBA et Jean UBULU, qui n’ont jamais démissionné.

Les dispositions de l’article 6 de la Loi organique portant organisation et fonctionnement la Cour constitutionnelle traite de la durée des mandats des membres de la Cour constitutionnelle qui est de neuf ans ainsi que du renouvellement par tiers de la Cour tous les trois ans. Or, le dernier renouvellement a eu lieu le 9 avril 2018 et le second aura lieu au début avril 2021. En l’espèce, le Président de la République reconnaît effectivement la pertinence des arguments évoqués par les Juges Noël KILOMBA et Jean UBULU qui ont relevé que leur mandat était de neuf ans, dans leur lettre datée du 27 juillet 2020, par laquelle ils ont rejeté leur nomination à la Cour de cassation comme Présidents.

Aux termes des dispositions de l’article 8 de la Loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle « Le membre de la Cour nommé en remplacement de celui dont les fonctions ont pris fin avant terme achève le mandat de ce dernier. Il peut être nommé pour un autre mandat s’il a exercé les fonctions de remplacement pendant moins de trois ans ». Cette disposition peut être d’application, en l’espèce, pour le membre nommé en remplacement du Président de la Cour, qui aurait démissionné, mais pas aux Juges Noël KILOMBA et Jean UBULU, dont les mandats sont encore en cours, conformément aux dispositions des articles 158 de la Constitution et 6 de la Loi organique portant organisation et fonctionnent de la Cour constitutionnelle. Les dispositions de l’article 7 de cette même Loi organique ont été évoquées à tort, car il n’y a aucun membre de la Cour arrivé à un mois de l’expiration de son mandat. Quant aux dispositions de l’article 28 référencé dans le visa de l’Ordonnance nommant les membres de la Cour, elles ne sont évocables que dans la mesure où elles mettent en exergue la démission d’un membre de la Cour constitutionnelle, et précisent: « il est pourvu au remplacement du membre démissionnaire conformément aux dispositions des articles 2 à 8 de la présente Loi organique.

Il convient de noter que dans son visa, l’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle dit avoir revu l’Ordonnance n°14/021 du 07 juillet 2014 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle spécialement en son article 1er point 5 et 7. Au point 5 de cette ordonnance figure le nom de Monsieur KILOMBA NGOZI MALA comme membre de la Cour constitutionnelle, qui n’a jamais démissionné et qui est signataire du procès-verbal de prise d’acte de la démission supposée du 10 juillet 2020 faisant partie du huitième visa de cette ordonnance.

Comment peut-on se référer au procès-verbal de donner acte de démission Président de la Cour, qui a, du reste, démenti sa démission, procès-verbal qui a été signé par sept membres de la Cour présents dont le Juge KILOMBA NGOZI MALA et le remplacer par la même ordonnance alors qu’il n’a jamais démissionné ? L’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle se réfère aux dispositions de l’article 28 de la Loi organique pour remplacer le Président de la Cour, prétendument, démissionnaire. Curieusement, sur le même fondement, on remplace le Juge KILOMBA NGOZI MALA, qui n’a jamais démissionné, mais qui a signé le procès-verbal de donner acte de la démission du Président de la Cour prétendument démissionnaire, auquel l’Ordonnance se réfère. Il en résulte que l’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle est volontairement arbitraire et doit, par conséquent, être rapportée.

L’Ordonnance nommant les membres de la Cour constitutionnelle se fonde aussi sur l’ordonnance n°16/070 du 22 août 2016 portant disposition particulières relatives au Statut particulier des Membres de la Cour constitutionnelle spécialement en ses articles 2 et 6.

L’article 2 de cette ordonne dispose : « Sont membres de la Cour constitutionnelle, les neuf personnes nommées conformément aux articles 158 et 159 de la Constitution ainsi qu’aux articles 2 à 8 de la Loi-organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Ils portent le nom de « Juge à la Cour constitutionnelle ».

L’article 6 de cette même ordonnance dispose ce qui suit : « Les Juges à la Cour constitutionnelle sont nommés conformément aux articles 158 et 159 de la Constitution, ainsi qu’aux articles 2 à 8 de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Durant leur mandat, ils ne peuvent être nommés aux fonctions incompatibles prévues à l’article 31 de la Loi organique. L’alinéa 2 de l’article 6 ci-dessus leur est applicable ».

Il sied, dès lors, de relever que le Président de la République, tout en reconnaissant le Statut particulier des membres de la Cour constitutionnelle, le viole intentionnellement en nommant les Juges Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU aux emplois publics incompatibles énumérées à l’article 31 de la Loi-organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle par son Ordonnance d’organisation judiciaire n° 20/108 du 17 juillet 2020 portant nomination des Magistrats civils du siège : Cour de cassation.
L’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle revoit l’ordonnance n°18/038 du 14 mai 2018 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle, spécialement en son article 1er point 2. Cette ordonnance reprend la nomination des trois nouveaux membres de la Cour après son renouvellement tertiaire le 9 avril 2018. A titre de rappel, le Juge KALONDA est décédé le dimanche 8 avril 2018, la veille du tirage au sort. Le lendemain, en pleine séance de tirage au sort, les Juges BANYAKU du Groupe Parlement et ESAMBO du groupe Conseil supérieur de la magistrature ont annoncé leur démission volontaire. Chaque groupe restant avec deux Juges par groupe par concours de circonstance, le tirage au sort était devenu sans objet.

Le Juge Jean UBULU PUNGU a été nommé en remplacement du Juge ESAMBO. Il est, par conséquent, erroné de le remplacer, de même que le Juge Noël KILOMBA sur le fondement des dispositions de l’article 28 de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle qui recommande le remplacement du membre démissionnaire conformément aux dispositions des articles 2 à 8 de la présente Loi organique, alors qu’ils n’ont jamais démissionné. .

Par ailleurs, l’Ordonnance nommant les nouveaux juges à la Cour constitutionnelle, se fonde sur le procès-verbal constatant la désignation des membres de la Cour constitutionnelle par le Conseil Supérieur de la Magistrature.

Pourtant, il est patent que le Conseil Supérieur de la Magistrature, le CSM, en sigle, ne s’est jamais tenue depuis la prise du pouvoir par le Président de la République que vous êtes, Excellence Monsieur le Président de la République. Il y a lieu, dès lors, de se demander à quelle date ce procès-verbal a été signé et dans quelle ville de la République l’Assemblée Générale du CSM s’est tenue lorsque l’on sait que tous les vols à l‘intérieur du pays étaient suspendus et beaucoup des membres du Conseil supérieur de la magistrature étaient durant la période de confinement à l’intérieur du pays. L’Ordonnance en question est, par conséquent, porteuse d’une altération de la vérité constitutive du faux en écriture.

Aux termes des dispositions de l’article 164 de la Constitution, la Cour constitutionnelle, juge pénal du Président de la République, peut-être saisie de toute infraction de droit commun commise par le Président de la République dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions. Elle est également compétente pour juger ses co-auteurs et complices. En l’espèce, aux termes des dispositions des articles 124 et 125 du Code pénal congolais Livre II, le faux commis en écriture avec une intention frauduleuse ou à dessein de nuire sera puni d’une servitude pénale de six mois à cinq ans et d’une amende de vingt-cinq à deux mille zaïres, ou d’une de ces peines seulement. Si le faux a été commis par un fonctionnaire ou agent de l’Etat, dans l’exercice de ses fonctions, la servitude pénale pourra être portée à dix ans et l’amende à cinq mille zaïres ». Selon Mineur, « Le faux en écritures est l’altération de la vérité, dans un écrit quel qu’il soit, réalisée avec une intention frauduleuse ou à dessin de nuire et susceptible de causer un préjudice (G. Mineur, Commentaire du Code pénal Congolais, 2ème éd, Bruxelles, Larcier, 1953, p. 285, n° 1) ;

Il échet de relever, par ailleurs, que le Conseil Supérieur de la Magistrature n’a pas le pouvoir de désigner, présentement, deux membres de la Cour constitutionnelle en vertu des dispositions des articles 158 alinéa 4 de la Constitution et 6 de la Loi-organique n°13/026du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. En vertu de ces dispositions, en effet, c’est après le tirage au sort qui aura lieu au début avril 2021 que le Conseil supérieur de la magistrature désignera une personne en remplacement de celui de son groupe dont le mandat a pris fin suite au tirage au sort.

L’Ordonnance d’organisation judiciaire n° 20/108 du 17 juillet 2020 portant nomination des Magistrats civils du siège : Cour de cassation se fonde sur les dossiers personnels des Juges à la Cour constitutionnelle Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU pour justifier leur nomination en qualité de Présidents de la Cour de cassation. Que disent les dossiers personnels des intéressés qui n’ont jamais demandé de promotion en grade d’autant plus qu’ils avaient déjà levé l’option de quitter la Cour suprême de justice pour garder leur mandat de Juges à la Cour constitutionnelle ? Depuis lors, depuis plusieurs années, ils n’ont jamais plus été rémunérés comme magistrat de carrière. Ainsi, les Juges Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU avaient déjà renoncé à leur carrière de magistrat de carrière. En levant l’option de travailler à la Cour constitutionnelle, ils avaient abandonné leurs anciennes fonctions de Conseillers à la Cour suprême de justice en vertu des dispositions de l’article 34 de la Loi organique portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

Il appert, dès lors, que le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution en nommant à la Cour de cassation les Juges Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU. Cette nomination, en effet viole manifestement les dispositions des articles 158 de la Constitution. Elle viole également les dispositions des articles 6 de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle et 6 de l’Ordonnance n°16-70 du 22 août 2020 portant dispositions relatives au Statut particulier des membres de la Cour constitutionnelle.

On peut donc observer que le Président de la République a intentionnellement violé les dispositions constitutionnelles, légales et règlementaires, fondement de l’Etat de droit, pour recomposer la Cour constitutionnelle, qui devra œuvrer, paradoxalement, à l’instauration de l’Etat de droit.

La violation de l’Etat de droit, par la violation intentionnelle de la Constitution, constitutive de la haute trahison, dans son élément légal, peut s’observer également par l’absence du contreseing du Premier Ministre sur l’Ordonnance d’organisation judiciaire n° 20/108 du 17 juillet 2020 portant nomination des magistrats civils du siège: Cour de cassation et sur l’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle.

Il ressort, en effet, de l’Exposé des motifs de la Constitution du 18 février 2006 que l’une des préoccupations majeures qui ont présidé à l’organisation des Institutions actuelles est d’assurer l’alternance démocratique. « C’est pourquoi, non seulement le mandat du Président de la République n’est renouvelable qu’une seule fois, mais aussi il exerce ses prérogatives de garant de la Constitution, de l’indépendance nationale, de l’intégrité territoriale, de la souveraineté nationale, du respect des accords et traités internationaux ainsi que celles de régulateur et d’arbitre du fonctionnement normal des Institutions de la République avec l’implication du Gouvernement sous le contrôle du Parlement. Les actes réglementaires qu’il signe dans les matières relevant du Gouvernement ou sous gestion ministérielle sont couverts par le contreseing du Premier ministre qui en endosse la responsabilité devant l’Assemblée nationale ». Sur ce fondement, aux termes des dispositions de l’article 79 de la Constitution, dernier alinéa, « Les ordonnances du Président de la République autres que celles prévues aux articles 78 alinéa premier 80, 84 et 143 sont contresignées par le Premier ministre ». Et, aux termes des dispositions de l’article 82 de la Constitution, « Le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant, révoque, par ordonnance, les magistrats du siège et du parquet sur proposition du Conseil supérieur de la magistrature. Les ordonnances dont question à l’alinéa précédent sont contresignées par le Premier Ministre ».

Le premier Ministre en exercice a été nommé par l’Ordonnance n° 19/056 du 20 mai 2019 portant nomination d’un premier ministre. Dans ses deux visas, l’Ordonnance fait référence aux dispositions des articles 78, 79 et 90 de la Constitution, et pose, immédiatement, son fondement dans l’Accord politique entre les forces politiques membres du Cap pour le changement (CACH) et celles du Front Commun pour le Congo (FCC) en vue de la formation d’un Gouvernement de coalition représentatif de ces deux regroupements politiques. Et, avant d’ordonner la nomination du Premier Ministre actuellement en fonction, le Président de la République dit avoir considéré « la personne proposée en date du 17 mai 2019 au poste de Premier Ministre par le Front Commun pour le Congo ».

Dans ce contexte juridique et politique de l’exercice du pouvoir et du fonctionnement des institutions, comme l’a déclaré, non sans raison, le Premier Ministre, « Le contreseing est un acte de très haute portée politique et juridique qui relève de la compétence exclusive attachée à la qualité de Premier Ministre et qui ne peut se concevoir dans le cadre de l’intérim tel que circonscrit dans la lettre qui l’a conféré au Vice-Premier Ministre, Ministre de l’intérieur, sécurité et affaire coutumière. S’agissant d’un Gouvernement de coalition, le contreseing du Premier Ministre constitue, au-delà de sa nature juridique, le gage des équilibres des pouvoirs entre le Président de la République et le Premier Ministre qui est l’émanation de l’Assemblée Nationale » (Déclaration signée le 21 juillet 2020 par le Directeur de la communication et porte-parole du Premier Ministre).

Effectivement, la nature juridique du Contreseing n’est pas la même, non plus que le rôle du Premier Ministre, selon que l’on se trouve dans un contexte politique où le Président de la République est, en fait, le Chef de la majorité à l’Assemblée nationale ou dans un contexte de cohabitation ou de coalition. On peut se référer à cet égard au droit qui a prévalu en France, lorsque le Président Mitterrand a perdu la majorité à l’Assemblée nationale, la comparaison contribuant « à l’amélioration du droit national et international » (R. SACCO, La comparaison juridique au service de la connaissance du droit, Paris, Economica, 1991, p. 5).

L’étude des institutions congolaises peut gagner en compréhension, analysées à la lumière dont elles sont nées, suite à une « construction mimétique du droit » (V. NEGRI & I. SCHULTE-TENCKHOFF, « Réflexions autour de la construction mimétique du droit : jalons pour une recherche», disponible sur https://koubi.fr/IMG/pdf/Construction_mimetique_du_droit_-_V.N_et_I.ST.pdf consulté le 20 août 2020).

En effet, le mimétisme est à l’origine de la création de nombreux droits africains, le mimétisme, celui-ci étant « souvent présenté, depuis longtemps, comme une des clés de l’analyse de la nature des régimes africains » (J. DU BOIS DE GAUDUSSON, Le mimétisme postcolonial, et après ? », Pouvoirs, 2009/2 (n° 129), pp. 45 à 55). Des ressemblances notoires des dispositions de la Constitution française à celles de la Constitution congolaise prouvent, en effet, que « le constituant congolais a agi par mimétisme» (D. POLLET-PANOUSSIS, « La Constitution congolaise de 2006 : Petite sœur africaine de la Constitution française, France, RFDC, n° 75, 2008/3, PUF, pp. 451-498), selon une opinion doctrinale française, qui relève, au sujet du texte de la Constitution congolaise, qu’à sa lecture « on est frappé par sa grande ressemblance avec la Constitution française de la Ve République, telle que révisée en 1962 », de sorte que cette Constitution congolaise de 2006 n’est que la petite sœur africaine de la Constitution française (D. POLLET-PANOUSSIS, « La Constitution congolaise de 2006 : Petite sœur africaine de la Constitution française, France, RFDC, n° 75, 2008/3, PUF, pp. 451-498).

Ce mimétisme constitutionnel n’est pas spécifique à la RDC, par rapport à la Constitution française, de sorte qu’une doctrine congolaise note, en parlant des constitutions écrites, qu’ « hormis les institutions politiques, reflet de l’histoire et de la spécificité de chaque pays, tout le reste n’est que mimétisme» (E. BOSHAB, Entre la révision de la Constitution et l’inanition de la nation, Bruxelles, Larcier, 2013, p.131).

C’est ce mimétisme qui permet de comprendre l’esprit et la lettre de la Constitution dans ses ressemblances et ses dissemblances par rapport au texte de référence, en l’occurrence, la Constitution française et sa terminologie. Effectivement, le mimétisme n’infère pas seulement d’une ressemblance mais aussi d’ « une interprétation de la norme » (V. NEGRI & I. SCHULTE-TENCKHOFF, « Réflexions autour de la construction mimétique du droit : jalons pour une recherche », disponible
Sur https://koubi.fr/IMG/pdf/Construction_mimetique_du_droit_-_V.N_et_I.ST.pdf consulté le 20 août 2020).

Traitant des attributions du Président de la République française, des auteurs écrivent que ce dernier peut édicter deux catégories d’actes juridiques dans l’exercice de ses fonctions : «ceux qui doivent à peine de nullité être contresignés par le premier ministre, et ceux qui échappent à cette obligation » (F. HAMON et A. TROPER, Droit constitutionnel, 31eedn, Paris, LDGJ, 2009, 618, n°654). Selon ces auteurs «La liste des actes dispensés du contreseing définit l’étendue de ce qu’on appelle traditionnellement les « pouvoirs propres »du chef de l’Etat, c’est-à-dire ceux qu’il peut exercer sans l’accord formel du premier ministre. Toutefois, ces pouvoirs ne peuvent pas toujours être exercés avec une totale liberté, car le Président est dans certains cas soumis à des contraintes politiques ou juridiques, quant aux autres attributions, il s’ agit de « pouvoirs partagés », dont l’usage nécessite au moins l’accord du premier ministre ». Parmi ces pouvoirs, il y a lieu de mentionner la nomination des membres du Gouvernement et « la nomination aux emplois civils et militaires de l’Etat » (F. HAMON et A. TROPER, Droit constitutionnel, 31ème éd., Paris, LDGJ, 2009, 619, n°656).

« Aussi longtemps qu’il y a concordance entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire, il est donc pratiquement impossible pour un premier ministre de refuser sa signature au président, à moins qu’il ne lui présente en même temps sa démission, comme l’avait fait J. Chirac en 1976. Le contreseing tend alors à devenir une simple formalité et l’influence réelle du président de la République est sans commune mesure avec l’étendue de ses pouvoirs propres ». C’est la « présidentialisation » (F. HAMON et A. TROPER, Droit constitutionnel, 31ème éd., Paris, LDGJ, 2009, 624, n°656).

Ces auteurs notent que « l’expérience des trois cohabitations a montré que les rôles respectifs du président et du premier ministre dépendent, dans une large mesure, de la conjoncture politique. En période de cohabitation, les attributions dispensées du contreseing sont les seules que le président de la République peut exercer de façon totalement discrétionnaire, sans tenir compte de l’avis du premier ministre et du gouvernement. En matière de diplomatie ou de défense nationale, par exemple, il ne peut prendre une initiative sans s’assurer de l’accord du premier ministre. (C’est ainsi que le 25 décembre 1999 le président Chirac a dû renoncer à envoyer un commando militaire à Abidjan, comme le lui demandait son ami Henri Konan Bédié, président de la Cote d’Ivoire, parce que le premier ministre français, Lionel Jospin, s’est opposé au départ de ce commando). C’est d’ailleurs le premier ministre qui, dans ces périodes, a l’initiative de la plupart des politiques et il est donc souvent conduit à solliciter la signature du président de la République pour exercer l’un des « pouvoirs partagés » (F. HAMON et A. TROPER, Droit constitutionnel, 31ème éd., Paris, LDGJ, 2009, 625).

Il en résulte un exécutif bicéphale, le Chef de l’Etat et le Premier Ministre devenant, « l’un et l’autre…des acteurs essentiels de la vie politique » (P. ARDANT et B. MATHIEU, Institutions politiques et Droit constitutionnel, 21ème éd., LDGDJ, Paris, 2009, p. 234, n° 371). Il s’ensuit que dans le contexte politique et juridique dit de cohabitation ou de coalition, les pouvoirs du Président de la République se réduisent au profit de ceux du Premier Ministre. « La présidence dans cette conjoncture ne peut conserver la primauté des périodes de conjonction des majorités. Une dyarchie s’instaure, dans les termes posés en 1958. Dans la répartition des taches de l’exécutif, la part du président est réduite au profit de celle du premier ministre qui apparait comme le véritable chef, le maître de l’action politique, le « Patron » du gouvernement.» (P. ARDANT et B. MATHIEU, Institutions politiques et Droit constitutionnel, 21ème éd., LDGDJ, Paris, 2009, p. 235, n° 767).

Respectueux de la lettre et de l’esprit de la Constitution, F. Mitterrand, après avoir perdu la majorité à l’issue du scrutin législatif de 1986 « définit unilatéralement l’esprit de la cohabitation : celle-ci doit se dérouler « dans le respect scrupuleux de nos institutions et la volonté commune de placer au-dessus de tout l’intérêt national ». La règle est « la Constitution, toute la Constitution et rien que la Constitution » (P. ARDANT et B. MATHIEU, Institutions politiques et Droit constitutionnel, 21ème éd., LDGDJ, Paris, 2009p. 481, n°768).

« Ainsi la cohabitation remet-elle en question l’équilibre ou plutôt les déséquilibres, des pouvoirs observés jusqu’en 1986 et permet –elle de découvrir l’étendue des pouvoirs personnels et des pouvoirs partagés du Premier ministre .Fait inédit sous la Vè République, le Premier ministre peut exercer en toute autonomie le considérable pouvoir réglementaire qui lui est reconnu ». Dans le contexte de la cohabitation, « Le Premier ministre pourrait également empêcher la convocation du parlement en session extraordinaire par le Président (en refusant son contreseing au Décret présidentiel) » (A-M. COHENDE, La cohabitation, leçons d’expérience, 1ère éd., Paris, PUF, 1993, pp. 128, 131). « Dans le régime parlementaire dualiste les actes soumis à contreseing manifeste l’accord de volonté entre le chef de l’Etat et le Premier ministre ». Aussi, dans le contexte de la cohabitation ou de la coalition, « les rôles sont-ils inversés : C’est le chef de l’Etat, investi normalement de ces prérogatives qui joue le rôle de notaire, qui authentifie les actes de son Premier ministre » (A-M. COHENDE, La cohabitation, leçons d’expérience, 1ère éd., Paris, PUF, 1993, pp. 128, 139).

Finalement, « le contreseing joue un rôle essentiel par la distinction qui est opérée entre l’obligation du contreseing qui est le signe tangible que le Gouvernement dispose de la réalité du pouvoir et l’absence de contreseing qui atteste que le Président est en charge d’un certain nombre d’intérêts limitativement énumérés » (B. BRANCHET, Contribution à l’étude de la constitution de 1958, Le contreseing et le régime politique de la Ve République, Paris, LGDJ, 1996p. 41).

En droit congolais, aux termes des dispositions de l’article 79 alinéa 3 de la Constitution, « Les ordonnances du Président de la République autres que celles prévues aux articles 78 alinéa premier, 80, 84 et 143 sont contresignées par le Premier ministre ». Dans un contexte de coalition, le contreseing est l’expression du pouvoir propre du Premier Ministre et qui ne peut en aucun cas être exercé par un Vice-Premier Ministre appartenant à une partie de la coalition, autre que celle à laquelle appartient le Premier Ministre, Chef de la majorité parlementaire. C’est donc avec raison, que dans un communiqué, le Premier Ministre, Chef du Gouvernement a contesté le contreseing apposé sur les ordonnances en question par le Vice-Premier Ministre Gilbert KANKONDE, qui n’a pas ce pouvoir, constitutionnellement reconnu au Premier Ministre.

Il en résulte que le contreseing apposé sur ces ordonnances est frauduleux et donc on est en face des ordonnances nulles pour cette dernière raison en plus. Or, « Fraus omnia corrumpit » dit-on, c’est-à-dire « la fraude corrompt tout ».

Excellence Monsieur le Président de la République,

Comme F. Mitterrand, en son temps, vous avez tenu un discours, non à l’issue des élections, mais en cours d’exercice de votre mandat, vous engageant à respecter l’équilibre des pouvoirs dans le cadre de la coalition, devant la Nation, au cours de votre première allocution sur l’Etat de la Nation, en ces termes : « Je voudrais ici saluer le courage de mon prédécesseur et frère, Joseph Kabila Kabange, qui a tenu à respecter son engagement constitutionnel, celui de permettre au peuple congolais de choisir librement ses nouveaux dirigeants. L’évènement de ce jour est aussi le sien. Et j’espère vivement qu’ensemble, dans le cadre de notre Coalition, nous allons relever les défis qui s’imposent à nous tous en tant que citoyen de ce beau pays…C’est pourquoi nous devons tous nous dépasser, transcender à tout moment nos divergences et évaluer régulièrement notre alliance pour des ajustements nécessaires afin de réussir ensemble, la vision que nous avons en partage, celle de bâtir un Congo fort, prospère et stable au cœur de l’Afrique…Les résultats des dernières élections nous ont placés dans une position inédite en ce que le peuple a élu un Président de la République issu de l’opposition alors qu’il a confié la majorité parlementaire à l’ancienne majorité au pouvoir. Nous avons donc l’obligation de tirer les conséquences de cette volonté populaire et mettre en place un système de gestion du pouvoir qui nous garantisse la stabilité en vue de relever ensemble la tâche immense de la construction de ce pays continent. C’est ainsi que nous nous sommes employés, avec mon prédécesseur et nos équipes respectives, à réfléchir à la mise en place d’abord d’un programme commun ; ensuite, d’une équipe gouvernementale qui se charge au quotidien de la mise en œuvre dudit programme. Nous avons, de manière transparente, discuté sans complaisance en tenant compte des aspirations du peuple pour former un Gouvernement qui puisse être en mesure de rencontrer la volonté du changement et de rupture majoritairement exprimée par le peuple » (Présidence de la République, Cabinet du Chef de l’Etat, Direction de la Communication, Allocution de Son Excellence Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, Président de la République Démocratique du Congo, Chef de l’Etat, sur l’Etat de la Nation devant le Parlement réuni en Congrès », Vendredi, 13 décembre 2019, pp.

Ainsi comme en droit français, en droit congolais, quoique disposant des pouvoirs propres, dans la situation politique « il a en face de lui une majorité parlementairehostile le président ne pourra pas exercer pleinement les pouvoirsil doit tenir compte de la volonté de cette majorité ». En effet, dans un « régime parlementaire, tout acte du Chef de l’Etat doit être obligatoirement contresigné par le Chef du Gouvernement » (P. PACTETE et F. MELIN-SOUCRAMANIEN, Droit constitutionnel, 29e éd., Paris, Sirey, 2010, p. 136).

  Il en résulte que l’absence de contreseing du Premier Ministre sur toutes les Ordonnances présidentielles du 17 juillet 2020 constitue une violation intentionnelle de la Constitution, constitutive de la haute trahison.

EN GUISE DE CONCLUSION

   « Je ne connais pas d’intérêt de la société qui soit distinct de celui de la justice» (M.GUILLERY, Chambre des Représentants, Parlement belge, séance du 17 mars 1874, cité par B.DEJEMEPPE (Dir), Détention préventive, Bruxelles,Larcier, 1992, p.12). La justice consiste à respecter strictement les règles établies ou convenues et les droits que lesdites règles portent. La Constitution, rien que la Constitution, décida Mitterrand, le Premier  Chef de l’Etat à expérimenter la cohabitation. « Tu ne feras pas dévier le droit, tu n’agiras pas avec partialité, et tu n’accepteras pas de présent, car le présent aveugle les sages et compromet la cause des justes. C’est la justice, rien que la justice, que tu rechercheras, afin de vivre et de prendre possession du pays que te donne le Seigneur ton Dieu » (Bible, Livre du Deutéronome, Traduction liturgique,Association Épiscopale Liturgique pour les pays Francophones (AELF), disponible sur https://www.aelf.org/bible/Dt/16 consultée le 18 août 2020).

   La violation intentionnelle de la Constitution étant manifeste et incontestable, l’infraction de haute trahison, prévue par les dispositions de l’article 165, alinéa 1 de la Constitution, peut faire l’objet de la mise en accusation, prévue par les dispositions de l’article 166 de la Constitution. L’Assemblée nationale et le Sénat, dont les Présidents me lisent en copie, ont le pouvoir, sur le fondement des dispositions susvisées de l’article 166 de la Constitution de voter une mise en accusation, à tout moment, sans attendre une requête du Procureur Général près la Cour constitutionnelle, prévue, certes, par les dispositions légales et règlementaires, mais qui ne peuvent se placer au-dessus des dispositions constitutionnelles. Aux termes des dispositions de l’article 166, en effet, « La décision de poursuites ainsi que la mise en accusation du Président de la République et du Premier ministre sont votées à la majorité des deux tiers des membres du Parlement composant le Congrès suivant la procédure prévue par le Règlement intérieur ».  Il s’ensuit que la procédure de mise en accusation n’est pas subordonnée à une procédure préalable de poursuites. Par ailleurs, nonobstant l’affirmation du Règlement intérieur du Congrès, qui subordonne à la mise en accusation à une requête du Procureur Général près la Cour constitutionnelle, le Parlement réuni en Congrès peut lui-même se saisir des faits, entendre le Président de la République, seul ou assisté de son Conseil et procéder, éventuellement, in fine à sa mise en accusation devant la Cour constitutionnelle.

   Il échet de noter, en outre, que le législateur congolais a décidé, sur le fondement des dispositions de l’article 73 de laLoi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour Constitutionnelle, qu’il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le Premier Ministre est reconnu auteur, coauteur ou complice des violations graves et caractérisées des droits de l’homme ou de cession d’une partie du territoire national. Et, aux termes des dispositions de l’article 74 de la même Loi organique, le Président de la République ou le Premier Ministre se rend également coupable de l’infraction de haute trahison lorsque l’un ou l’autre :

1.    institue ou tente d’instituer un parti unique sous quelque forme que ce soit;

2.    manque à son devoir de sauvegarder l’unité de la République et l’intégrité de son territoire ;

3.    détourne les forces armées de la République à ses fins propres ;

4.    organise des formations militaires, paramilitaires ou des milices privées ou entretient une jeunesse armée.

  Aux termes des dispositions de l’article 75 de cette même Loi organique, la haute trahison est punie de la servitude pénale à perpétuité   Aux termes des dispositions de l’article 167 de la Constitution, « En cas de condamnation, le Président de la République et le Premier ministre  sont déchus de leurs charges. La déchéance est prononcée par la cour constitutionnelle ».                

            Excellence Monsieur le Président de la République,

 

             Dans l’intérêt de la justice et de la paix, au nom de l’Etat de droit, que vous appelez de tous vos vœux,   j’ose croire que vous allez, sans délai, rapporter l’Ordonnance n°20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle et l’Ordonnance d’organisation judiciaire n° 20/108 du 17 juillet 2020 portant nomination des Magistrats civils du siège/Cour de cassation et ordonner que toutes les dispositions utiles soient prises pour que Messieurs les Honorables Juges à la Cour constitutionnelle, Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU,poursuivent, sans plus d’atermoiements, leur mandat de Juges à la Cour constitutionnelle, pour éviter le blocage du fonctionnement de ladite Cour, la nomination irrégulière et illégale de leur remplaçant étant nulle de plein droit. Le Congrès ne saurait donc organiser la prestation de serment.

           En effet, la Nation congolaise, le Président de la République, l’Assemblée nationale et le Sénat ne peuvent recevoir la présentation des membres de la Cour constitutionnelle nommés en violation des dispositions articles 158 de la Constitution et 6 de la Loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle. Ce serait admettre que par les Ordonnances  en question, le Président de la République a d’office révisé la Constitution et la Loi organique à l’insu et à l’exclusion, voire au détriment du souverain primaire qui a adopté la Constitution du 18 février 20°06 par référendum populaire.

      Aux termes des dispositions de l’article 1er, alinéa 1er, de la Constitution « La République Démocratique du Congo est, dans ses frontières du 30 juin 1960, un Etat de droit, indépendant, souverain uni et indivisible, social, démocratique et laïc ».

      Excellence Monsieur le Président de la République,

      L’Etat de droit ne peut se construire si le pouvoir en place ne protège pas les avocats qui sont en réalité au centre des droits non dérogeables de la défense, protégés sur pied des dispositions de l’article 61 de la Constitution.

       En vous écrivant, j’ai en vue toutes les arrestations dont moi-même et d’autres, comme le Bâtonnier Firmin YANGAMBI,  avons été victimes, pour avoir choisi de défendre la justice. Constitué Conseil par les Juges Constitutionnels KILOMBA et UBULU, j’ai noté qu’ils ont fait l’objet de privation abusive de salaires et de menaces violées, y compris dans un communiqué de la Présidence.

       Vous condamnerez ces faits, je n’en doute guère et soutiendrez le ministère de l’avocat, contrairement à un monarque français, qui disait « je veux que l’on puisse couper  la langue à un avocat, s’il s’en sert contre le gouvernement » (Bicentenaire du rétablissement de l’ordre des avocats.

     J’ose espérer que vous protégerez mes droits et que je ne serais pas victime de violences, à l’instar de celles que je venais de subir, récemment, dans une affaire où je suis Conseil d’une victime de violence sexuelle.

      Comme vous le savez, étymologiquement le vocable « avocat », de vocatus ad, signifie celui qui est appelé pour conseiller et défendre son semblable devant les institutions et juridictions compétentes. Considérés comme étant dignes de respect au même titre que des religieux,  de sorte que celui qui touchait à leur personne encourait la peine d’excommunication,  les avocats portaient une soutane religieuse noire, à l’instar de celle des frères clercs avec trente-trois boutons symbolisant la durée de vie de Jésus-Christ, Homme. La robe a aussi symbolisé, en apparence, par assimilation, le pouvoir royal. C’est pourquoi son port fut interdit au lendemain de la révolution de 1789 avant d’être rétabli et rendu obligatoire, en France, par la Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques (T. NGOY ILUNGA WA NSENGA, Les défis du Premier Bâtonnier de l’Ordre du Haut-Lomami, Kamina, Kinshasa, édition Droit et Justice, 2019, pp. 7, 8).      

     Les avocats étaient effectivement considérés comme une milice dangereuse avec la fureur de plaider.

Dans la présente lettre, et dans tous les actes que je vais poser, c’est  seulement le droit et la justice que  je défends. «Heureux celui que la nature et le travail ont destiné à devenir le protecteur de ses semblables et à exercer le plus noble des ministères » DINOCHEAU, 1 décembre 1790, dans J. MAVIDAC et L. LAURENT (dir.), Archives parlementaires(AP), 1ère série, t. 20, p. 440, cité par N. DERASSE, « Les défenseurs officieux : une défense sans barreaux, Annales historiques de la Révolution française, n°350, 2007,  Justice, nation et ordre public, pp. 49-67, disponible sur https://www.persee.fr/doc/ahrf_0003-4436_2007_num_350_1_3138 consulté le 20 août 2020).  

Je reste convaincu, qu’en lisant la présente lettre,  vous aurez présent à l’esprit votre serment constitutionnel par lequel  vous avez juré devant la Cour constitutionnelle, dont font partie les Juges Noël KILOMBA et Jean UBULU, devant Dieu et la nation, d’observer la Constitution et les lois de la République. Et, en vertu de ce serment fait devant le Dieu D’Abraham, D’Isaac et de Jacob, le Dieu Père de Notre Seigneur Jésus-Christ de Nazareth, le Fils du Père, vous déciderez de rapporter l’Ordonnance d’organisation judiciaire n° 20/108 du 17 juillet 2020 portant nomination des Magistrats civils du siège : Cour de cassation et l’Ordonnance n° 20/116 du 17 juillet 2020 portant nomination des membres de la Cour constitutionnelle, et vous ordonnerez que les Juges à la Cour constitutionnelle, Noël KILOMBA NGOZI MALA et Jean UBULU PUNGU poursuivent leur mandat à la Cour constitutionnelle, conformément à la Constitution et aux lois de la République.

Et vous ferez justice.

           Dans cette attente, je vous prie de croire, Excellence Monsieur le Président de la République, à l’expression de mes hommages les plus déférents.

Maître Théodore Ngoy Ilunga Wa Nsenga ,Avocat aux Barreaux du Kongo central et deKinshasa/Matete, Conseil à la Cour Pénale Internationale        

By 24news

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